Allocations familiales : eh bien, que les pauvres se démerdent tout seuls...
Le monde ne va pas s’écrouler. Les enfants de cadres iront toujours au ski. Aucune mère bac +7 ne retournera à ses fourneaux parce que le gouvernement socialiste a décidé de raboter ses allocations familiales : elles ne sont pas à quelques dizaines ni centaines d’euros près par mois.
Je ne me souviens pas de l’époque où le facteur distribuait au début du mois l’argent des allocations. Ma sœur aînée, si. C’était le jour des familles, surtout nombreuses, qui touchaient le pactole. Dans certains quartiers, les mères attendaient sur le palier et filaient directement à l’épicerie. Ailleurs, c’était la bonne qui encaissait.
Ni argent de poche, ni assistance
A l’époque on parlait de familles méritantes, de parents qui faisaient leur devoir en procréant. L’argent versé par la CAF était un dû, une juste rétribution, dignement gagnée. Ma mère aurait presque exigé que le facteur la remercie en lui donnant les billets.
LE CHOIX DE FRANÇOIS HOLLANDE
Aujourd’hui, les allocations familiales sont versées à tous les foyers, sans conditions de ressources, à partir du deuxième enfant : 27,05 euros pour deux enfants et 162,78 euros par enfant supplémentaire. Lorsqu’ils atteignent 14 ans, la majoration est de 62,90 euros et par enfant.
François Hollande a annoncé que les « réajustements » obéiraient à « deux principes » : « pas de fiscalisation des allocations » et maintien de « l’universalité ». Mais « que les plus hauts revenus aient les mêmes allocations, non ! Ça sera revu » Voici les cinq scénarios proposés par le Haut conseil à la famille.
La réalité, aujourd’hui encore, c’est que les familles allocataires partagent cet état d’esprit. Qu’elles fassent partie des 10% les plus riches ou des 10% les plus pauvres, cet argent-là n’a ni la valeur d’argent de poche, ni la couleur de l’assistance.
On a écrit et démontré ici qu’un gosse de riche coûtait plus cher au pays qu’un enfant pauvre, exposé les positions des pours et des antis, défendu l’idée que la fin de l’universalité de ces allocations familiales mettrait à mal nos fondements républicains.
Je ne suis pas concernée par cette réforme. Je crains seulement qu’elle n’entame un peu plus ce qu’il reste du sentiment qu’ont les familles de vivre une même histoire. Famille des manifs anti-mariage pour tous ou famille immigrée des quartiers, recomposées (que la réforme va complétement déstabiliser) ou tradis.
Familles fragiles et familles libérales
En retirant aux riches, on va transformer la nature de ces allocations. Elles seront moins familiales et plus sociales (il existe d’autres prestations familiales « sociales »). C’est le prix à payer pour plus d’équité, explique-t-on. Le prix à payer, qui doit être portés par les plus riches, pour réduire le déficit de la branche famille.
Mais insidieusement, leur nouvelle nature va miner ce qui restait de commun à toutes les familles. Qui ne seront plus égales. Il y aura celles qui ont besoin d’être aidées et les libérales.
Ces dernières ne se porteront pas plus mal, j’en suis certaine, mais finiront par penser très rapidement que leur destin ne regardent qu’elles, et que le sort des familles plus fragiles relève de l’assistance, la solidarité, financées par leurs impôts à eux.
Que les pauvres se démerdent
Il y a tellement eu d’écarts à cette histoire commune. L’école en premier lieu, champs de bataille où les plus riches et les mieux informés échappent aux « mauvais » établissements et trustent les meilleurs. Mais il reste encore des espaces protégés : la santé par exemple. En France, un enfant cancéreux sera pris en charge à l’hôpital de la même manière, quel que soit son milieu social.
En s’attaquant à l’universalité des allocations familiales (quoi qu’en dise François Hollande) on ne remet pas en cause l’égalité de l’accès aux soins. Mais dans l’esprit de ceux qui sont prêts à croire que tout se mérite, même la santé, on va arroser cette graine.
Ils pourront penser que puisqu’ils doivent se débrouiller tout seuls, puisque l’Etat ne leur reconnait aucun « mérite », et bien que les autres, les pauvres, se
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