Besoin d’un antivirus ? Inutile, aujourd’hui, d’essayer d’acheter français : notre pays n’en fabrique pas. Ni pour les particuliers, ni pour les sociétés ou les administrations. Mais en 2014, le programme DAVFI (prononcez « daffy ») doit permettre la naissance du premier logiciel hexagonal. Ce projet, qui inclut notamment le laboratoire de cryptologie et de virologie opérationnelles de l’école d’ingénieurs ESIEA (dirigé à Laval par Eric Filiol), sera dirigé par la société Nov’IT, spécialisée dans la sécurisation des réseaux informatiques ; son président Jérôme Notin a répondu à nos questions.
Sciences et Avenir: un antivirus français, pour quoi faire ?
Jérôme Notin: parce qu’il n’en existe pas aujourd’hui. Le marché est dominé par une poignée de grosses sociétés*, il y a aussi quelques acteurs locaux – je pense à des sociétés sud-coréenne, espagnole, indienne - mais la France n’est pas encore représentée. C’est pourtant un marché qui brasse des sommes considérables. En 2014, on estime que les dépenses pour un équipement en antivirus, pour les particuliers, les entreprises et les administrations, devraient atteindre 300 millions d’euros. Rien que pour la France !
Pourquoi avoir opté pour un logiciel libre ?
Parce qu’un programme dont le code est ouvert est du type « je dis ce que je fais, je fais ce que je dis ». Autrement dit, chacun pourra constater la façon dont il fonctionne. C’est important parce que la fonction d’un antivirus est de fouiller tous les documents d’une machine sur laquelle il est installé : mails, documents Word, PDF, etc. Un antivirus libre, c’est l’assurance que ses informations personnelles et confidentielles ne seront pas cryptées et envoyées sur des serveurs où elles n’ont rien à faire. Tous les programmes aujourd’hui sur le marché ne peuvent pas en dire autant !
Mais si le code de l’antivirus est ouvert à tous, cela signifie qu’un pirate pourrait sciemment perturber le fonctionnement du programme. Vous allez faire entrer le loup dans la bergerie, non ?
La question est légitime, mais je pense que ce risque est minime. Il y aura toujours des personnes pour développer des codes malveillants, mais la nature ouverte de l’antivirus fera que la communauté des programmateurs pourra les repérer. Ça peut paraître paradoxal, mais je suis persuadé que les logiciels ouverts sont bien plus sécurisés que les logiciels fermés. Voyez Linux par rapport à Windows ! Ce sont des programmes que l’on peut vraiment adapter à ses besoins, dans lesquels les bugs sont plus facilement traçables… Un programme fermé, c’est un peu comme un plat que l’on vous amène tout fait au restaurant. S’il est trop cuit ou que la sauce ne vous plaît pas, c’est trop tard. En revanche, si vous avez accès à la cuisine pour mettre la main à la pâte, le résultat sera plus conforme à vos goûts. C’est ça, le logiciel libre !
*Comme Symantec, McAfee ou Trend Micro.
Olivier Lascar
Sciences et Avenir
http://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/20120709.OBS6591/lancement-de-davfi-antivirus-francais-et-logiciel-libre.html