Jean Gabin, nom d'artiste de
Jean Alexis Gabin Moncorgé1, est un
acteur français,
chanteur de
revue et d'
opérette, né le
17 mai 1904 à
Paris, qui a grandi à
Mériel (
Val-d'Oise), mort le
15 novembre 1976 à
Neuilly-sur-Seine (
Hauts-de-Seine), d'une crise cardiaque
[réf. nécessaire].
Figure incontournable du cinéma français, la carrière de Jean Gabin
est d'abord celle d'une « gueule d'amour » tournant avec les
réalisateurs importants de l'
entre-deux-guerres comme
Julien Duvivier ou
Jean Renoir.
Changé physiquement après la guerre, où il s'est engagé comme marin,
puis chef de char au sein du régiment blindé des fusiliers-marins des
Forces françaises libres,
ses rôles évoluent et il devient un « pacha » au physique imposant et
au regard sombre incarnant la plupart du temps des rôles de truands ou
de policiers, toujours avec la même droiture, dans des films bien
souvent dialogués par
Michel Audiard.
Sa filmographie, dénombrant 95 films, compte un nombre important de classiques, parmi lesquels
Gueule d'amour,
La Bête humaine,
Pépé le Moko,
Le Quai des brumes,
La Grande Illusion,
Touchez pas au grisbi,
Un singe en hiver,
Le Pacha ou
La Traversée de Paris. Il tourne avec tous les grands acteurs de l'époque dont certains, comme
Lino Ventura,
Bernard Blier,
André Pousse,
Jean-Paul Belmondo ou
Alain Delon, sont ses amis. Acteur populaire, il a attiré 84 millions de spectateurs dans les salles au cours de sa carrière
2.
Sa vie sentimentale est souvent liée à son métier : il a des liaisons connues avec les actrices
Mireille Balin,
Michèle Morgan et
Marlène Dietrich, est l'époux de l'actrice
Gaby Basset, de la meneuse de revue
Jeanne Mauchain puis enfin d'un ancien mannequin,
Dominique Fournier, sa compagne jusqu'à sa mort, avec qui il a trois enfants : Valérie Moncorgé,
Florence Moncorgé et Mathias Moncorgé.
Jean Gabin naît à
Paris le
17 mai 1904, au 23
boulevard Rochechouart à
Paris, sous le nom de
Jean Alexis Gabin Moncorgé. Fils de
Ferdinand Joseph Moncorgé, tenancier de café et comédien d'opérette sous le nom de scène de Joseph Gabin, et d'
Hélène Petit (1865-1918),
chanteuse de
café-concert, il a six frères et sœurs aînés dont Ferdinand Henri (1888-1939), Madeleine (1890-1970) épouse de
Jean Poésy et Reine (1893-1952).
Il passe son enfance et son adolescence à la campagne pour laquelle
il gardera toute sa vie un profond attachement. Loin de la vie
parisienne de spectacle de ses parents, il est élevé dans le petit bourg
campagnard de
Mériel dans le
Val-d'Oise par sa sœur aînée Madeleine, dans une maison située près d'une voie ferrée.
En
1914, à l'âge de 10 ans, un coup appuyé lors d'un combat de
boxe lui écrase le nez. Le 18 septembre
1918, alors qu'il a 14 ans, sa mère meurt. Il est mauvais élève et délaisse le
lycée Janson-de-Sailly à
Paris où il est inscrit et enchaîne les petits métiers, garçon de bureau à la
compagnie parisienne d'électricité, cimentier à la gare de la Chapelle,
manœuvre dans une fonderie, magasinier aux magasins d'automobiles de
Drancy, vendeur de journaux. À 17 ans il veut, comme son grand-père
maternel, devenir conducteur de
locomotive à vapeur dont il peut voir les évolutions depuis sa chambre. Bourru, il osait se
plaindre de ce qui lui déplaisait mais son œil bleu « magique »
participait avec ses amis à la joie de vivre.
Carrière au music-hallEn
1922, à 18 ans, Gabin est forcé par son père d'entrer dans le monde du spectacle aux
Folies-Bergère d'abord comme figurant, le directeur, Fréjol, étant un de ses amis à
qui il aurait dit : « Tiens, voici mon fiston. Il aimerait faire du
théâtre. Peux-tu l'aider ? Si tu arrives à en tirer quelque chose, tu
auras bien du mérite. Moi, j'y renonce... » Il est placé sous la
bienveillance du comique troupier
Bach.
De
1924 à
1925 Jean Gabin effectue son
service militaire dans la
marine nationale à Cherbourg, et pendant une permission du début de l'année
1925 il épouse une admiratrice, la future actrice
Camille Basset, dite Gaby, avec qui il n'aura pas d'enfant.
Buste de Jean Gabin, à
Mériel,
sur la place du musée qui lui est consacré
En
1926, âgé de 22 ans, il devient un véritable artiste de
music-hall et chanteur d'
opérette. Il fait monter sur scène
La Goulue auprès de
Mistinguett, et il imite
Maurice Chevalier. Il entame un tour de chant avec succès pendant deux ans dans toute la
France et en
Amérique du Sud. En chantant
Julie c'est Julie et
La Java de Doudoune de
Jose Padilla en
1928, il devient partenaire de
Mistinguett, qui vient de rompre avec
Maurice Chevalier, au
Moulin-Rouge et aux
Bouffes-Parisiens dont le directeur est le célèbre auteur de l'époque
Albert Willemetz.
À partir de
1929, il joue les jeunes premiers dans des opérettes comme
Flossie ou
Les Aventures du Roi Pausole, toutes deux sur des paroles d'
Albert Willemetz. Il vit une amourette avec Jacqueline Francell, sa partenaire de
Flossie, et il divorce de Gaby.
Carrière au cinéma Années 1930 : débuts et consécrationEn
1928, il fait ses débuts au cinéma dans deux
courts-métrages avec le
comique Raymond Dandy,
Ohé! les valises et
On demande un dompteur3.
Ce n'est que deux ans après l'arrivée du
cinéma parlant en
Europe que Jean Gabin, après avoir refusé de tourner dans
Les Chemins du paradis4, fait ses véritables débuts cinématographiques en tournant en
1930 Chacun sa chance, premier film parlant du cinéma français, dans lequel il joue au côté de son ex-épouse
Gaby Basset et le chanteur
Jean Sablon.
Par la suite, il enchaîne les tournages : étant tour à tour policier dans
Méphisto, cambrioleur dans
Paris Béguin, vendeur de
TSF dans
Tout ça ne vaut pas l'amour, mécanicien dans
Gloria, soldat récalcitrant dans
Les Gaietés de l'escadron, capitaine de péniche dans
La Belle Marinière, que Gabin considère comme son premier grand rôle à l'écran
4 et ingénieur dans
Le Tunnel et
Adieu les beaux jours.
Le
20 novembre 1933, Gabin épouse à
Paris 16e Jeanne Mauchain,
meneuse de revue et danseuse nue du Casino de Paris, connue sous le nom
de Doriane Mauchain. Son père meurt trois jours avant son mariage.
En
1934, il tourne pour la première fois sous la direction de
Julien Duvivier dans
Maria Chapdelaine et
Golgotha, dans lequel il prête ses traits à
Ponce Pilate.
À partir de
1935, il devient une star du
cinéma grâce à son « charisme exceptionnel » et à
Julien Duvivier qui lui offre les personnages principaux de
La Bandera avec Annabella, qui est son premier succès
5,
La Belle Équipe avec
Charles Vanel, dans lequel il chante la chanson
Quand on s'promène au bord de l'eau, et
Pépé le Moko. Il incarne des héros tragiques et romantiques d'origine populaire. Puis il enchaîne film sur film au sommet du
box-office français tout au long de sa longue carrière, quatre-vingt-quinze au total.
Jean Renoir l'impose dans
Les Bas-Fonds avec
Louis Jouvet puis, en
1937, dans le
film de guerre La Grande Illusion avec
Pierre Fresnay,
Marcel Dalio et
Erich von Stroheim, qui obtient un énorme succès public et critique, devenant au fil des années un classique du
cinéma français.
La même année, il tourne
Gueule d'amour, de
Jean Gremillon, où il retrouve
Mireille Balin, sa partenaire de
Pépé le Moko et le méconnu
Le Messager, de
Raymond Rouleau.
En
1938, il prend le rôle d'un conducteur de locomotive dans
La Bête humaine, un film de
Jean Renoir, puis joue un
déserteur dans
Le Quai des brumes de
Marcel Carné avec
Michel Simon et la jeune
Michèle Morgan, à qui il murmure le célèbre «
T'as d'beaux yeux tu sais », laquelle répond : «
Embrassez-moi ».
En
1939, il tourne à nouveau sous la direction de
Marcel Carné dans
Le Jour se lève,
drame dans lequel il partage la vedette avec
Jules Berry,
Arletty et
Bernard Blier.
Le
3 septembre 1939, il est mobilisé dans la
marine nationale à
Cherbourg. C'est encore la
drôle de guerre et il obtient une permission exceptionnelle pour terminer le film
Remorques, avec
Michèle Morgan. Ils ont une brève idylle.
Années 1940 : une période difficileLe
2 février 1941, refusant de tourner pour les
Allemands pendant l'occupation, il s'expatrie à
Hollywood aux
États-Unis où il va retrouver les Français
Jean Renoir,
Julien Duvivier,
Charles Boyer,
Jean-Pierre Aumont...
Là-bas, il tourne deux films,
La Péniche de l'amour avec
Ida Lupino, et
L'Imposteur, de
Julien Duvivier, long-métrage de
propagande gaulliste.
Durant cette période, il fréquente
Ginger Rogers brièvement, puis
Marlène Dietrich pendant l'été
1941 jusqu'en
février 1947. Le
18 janvier 1943, il divorce de sa deuxième épouse
Jeanne Mauchain.
Déjà très célèbre, il pourrait tenter une carrière d'acteur aux
États-Unis mais c'est sans compter avec son ardent patriotisme. Il s'engage en
avril 1943 dans les
Forces navales françaises libres6 du
Général de Gaulle pour libérer son pays. Embarqué comme canonnier chef de pièce sur le pétrolier militaire
Elorn, il traverse l'
Atlantique en convoi à destination de
Casablanca, attaqué au large par les
sous-marins et par les
avions allemands aux approches de la Méditerranée. Puis sous les ordres de l'enseigne de vaisseau et futur vice-amiral André Gélinet, le
second maître Jean Moncorgé sert comme chef du
char Souffleur II du 2
e escadron du régiment blindé des
fusiliers marins qui appartient à la célèbre
2e division blindée du
général Leclerc.
Au
printemps 1945, il participe à la libération de la poche de
Royan puis à la campagne d'
Allemagne qui le conduira au Nid d'aigle d'
Hitler à
Berchtesgaden. À la fin de la guerre, il est décoré de la
Médaille militaire et de la
Croix de guerre. En
juillet 1945,
âgé de 41 ans, le « plus vieux chef de char de la France Libre » est
démobilisé et revient au monde du spectacle... avec des cheveux blancs.
Toute sa vie, il restera très attaché à la
marine nationale et proche de celui qui fut son chef, le vice-amiral Gélinet et sa famille.
De retour en
France, il reprend sa carrière d'acteur en
1946 en incarnant le rôle-titre de
Martin Roumagnac, au côté de
Marlene Dietrich, après avoir refusé de jouer
Les Portes de la nuit, de
Marcel Carné. Le film, éreinté par la critique, obtient pourtant à l'époque un succès commercial avec 2 millions d'entrées
7.
Cependant, ce succès n'est pas réitéré l'année suivante avec le
film policier Miroir8, dans lequel il est un financier et gangster à ses heures. De plus, il a du mal à trouver un rôle à sa mesure.
En
1949, il se marie avec Christiane Fournier, dite Dominique, mannequin chez le
couturier Lanvin, qui a déjà un fils Jacki et avec qui il a trois enfants :
Florence Moncorgé-Gabin (
1949), Valérie (
1952) et Mathias (
1956).
La même année, il tient le rôle principal du long-métrage
Au-delà des grilles, qui obtient un succès honorable en salles
9 et est nommé à l'
Oscar du meilleur film étranger et triomphe au théâtre avec la pièce
La Soif, d'
Henri Bernstein, aux côtés de
Madeleine Robinson et
Claude Dauphin.
Années 1950-1960 : le retour du succèsEn
1950, il retrouve
Marcel Carné pour le
long-métrage La Marie du port, adaptation du roman de
Georges Simenon, qui avec 2,6 millions d'entrées
10, permet de confirmer le succès de Gabin après son triomphe théâtral avec
La Soif.
En
1951, il est le
narrateur de
De sac et de corde, une pièce musicale de
Léo Ferré et Madeleine Rabereau écrite pour la radio, qu'il interprète tandis que
Léo Ferré dirige l'orchestre et les chœurs de la radio nationale et sa
prestation dans
La nuit est mon royaume,
pour lequel il incarne un mécanicien de locomotive aveugle, lui permet
de rencontrer l'éloge de la critique et un triomphe public avec 2,5
millions d'entrées
11, mais aussi de remporter la
Coupe Volpi pour la meilleure interprétation masculine au
Festival de Venise.
Son film suivant,
La Vérité sur Bébé Donge,
dans lequel il est un industriel coureur de jupon, passe inaperçu lors
de sa sortie en salles, mais va être considéré au fil des ans comme une
œuvre marquante.
Il réalise en
1952 un de ses rêves d'enfant en investissant, jusqu'à ses derniers jours, toute sa fortune dans le domaine de
La Pichonnière, situé sur la commune de
Bonnefoi, rattachée au canton de
Moulins-la-Marche, dans l'
Orne, en
Normandie, sur lequel il fait construire
La Moncorgerie. Il se lance dans l'élevage de près de trois cents
bovins et d'une écurie d'une quinzaine de chevaux de course pour assouvir sa passion pour l'élevage de chevaux.
La même année, il retrouve
Michèle Morgan dans
La Minute de vérité, de
Jean Delannoy, qui triomphe en salles avec plus de 3 millions d'entrées
12.
Il renoue véritablement avec le succès public grâce à
Touchez pas au grisbi, de
Jacques Becker, en
1954, qui enregistre 4 millions d'entrées en
France13.
Avec ce film, il retrouve un rôle à sa mesure en changeant son image :
l’homme d’expérience, autoritaire et qui impose le respect. C'est durant
ce tournage qu'il rencontre celui qui va devenir un de ses amis,
Lino Ventura.
Son succès se confirme avec
L'Air de Paris, de
Marcel Carné et
French Cancan, de
Jean Renoir en
1955. C'est la rencontre avec
Michel Audiard, qui deviendra son ami et sera, avec ses dialogues, pour beaucoup dans le succès de ses films à venir, à commencer par
Gas-oil de
Gilles Grangier. À cette époque, il entretient une liaison adultère avec la comédienne
Dora Doll.