fleur V.I.P. en chef
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| Sujet: Que nous apprennent les sages? Mer 1 Fév 2017 - 21:52 | |
| @saffron100_uk, FlickrComment mieux vivre ? C’est la question à laquelle les penseurs tentent de répondre depuis l’Antiquité. Voici 15 sages dont l’existence ou l’œuvre nourrissent la réflexion sur notre rapport à nous, aux autres et au monde. Un choix totalement subjectif (Confucius mais pas Lao Tseu, Aristote mais pas Socrate, Spinoza mais pas Kant…) mais qui permet d’aborder des thèmes aussi divers que l’amitié, la peur de la mort, la menace nucléaire ou l’école. Spinoza : Accéder à la joie en éduquant son désir Quand l’Ethique paraît en 1677, son auteur, juif d’Amsterdam accusé d’hérésie et exclu de la synagogue, devenu polisseur de lentilles optiques, vient de mourir. Son œuvre fait alors scandale tant elle s’écarte des pensées de l’époque. Pour Baruch Spinoza, l’homme a pour vocation la joie, qu’il atteint en augmentant sa puissance d’agir et d’être. Comment bannir les mauvais affects comme la tristesse, la peur ou le repentir, qu’il considère comme le mal ? Il propose de s’entraîner mentalement à substituer la générosité à la haine. Afin, le moment venu, de bien réagir face à une offense. Il nous invite aussi à éduquer notre désir, à remplacer le désir passif (celui qui répond à une pulsion comme la surconsommation) par le désir actif, passé par le filtre de la connaissance et de la réflexion. Montaigne : cesser de s’adorer Un matin de 1575, Montaigne, magistrat, ex-maire de Bordeaux, s’assoit à son bureau et écrit sur… sa petite personne. Pendant vingt ans. « Avec ses Essais, il fut blogueur avant l’heure », ironise le philosophe Frédéric Lenoir. Pourtant, si Michel Eyquem nous raconte qu’il aime le melon ou qu’il chante comme une casserole, ce n’est pas par narcissisme mais pour offrir à son lecteur un miroir où il peut reconnaître sa propre petitesse. « Si les autres se regardaient attentivement, comme je fais, ils se trouveraient, comme moi, pleins d’inanité et de fadaise. » Contrairement au « Connais-toi toi-même » de Socrate, qui rappelle aux Grecs qu’ils sont des humains et non des dieux, l’injonction de Montaigne relève de l’introspection. Ce contemporain d’Henri IV, premier penseur du moi, n’a pas de certitude car il vit une époque de doute. Jamais il n’assène de morale. Si nous nous étudions, nous ne faisons aucun mal à autrui, nous dit cet humaniste qui a connu huit guerres de religion. Mais aussi : tout bonheur vaut la peine. « Quand je danse, je danse, quand je dors, je dors », explique cet apôtre de l’instant présent. Epicure : Ne pas avoir peur de la mort Dans sa Lettre à Ménécée, Epicure incite à ne pas renoncer à l’ataraxie, «la paix de notre âme», par peur de la mort. Une crainte absurde : « Tant que nous existons, la mort n’est pas, et quand la mort est là, nous ne sommes plus. » Pour ce Grec (342- 370 av. J.-C.), le corps et l’âme se désagrègent, la mort ne peut donc s’éprouver ni faire l’objet d’une expérience vécue. Moralité : Carpe Diem. Cette vie est la seule qui puisse nous apporter le bonheur, pourvu que nous demeurions sereins jusqu’à la fin. Reste qu’il oublie d’évoquer la mort des êtres chers. « Les Grecs se soucient peu de l’autre, relève le philosophe Christian Godin. Et pour cause, ils pensent que la destinée de l’homme est régie par les dieux. » Sénèque : Cesser de s’adorer Dans son Traité de la brièveté de la vie (49 ap. J.-c.), Sénèque explique que la vie offre une vaste étendue. Encore faut-il bien en disposer. or nous la perdons en conversations futiles, en éprouvant des sentiments vils comme la colère et la tristesse, en chérissant « des plaisirs illusoires » comme la beauté ou la gloire, en étant « accablés par la richesse » ou en ne nous accordant aucun loisir. « Personne ne te restituera tes années », note-t-il. selon le stoïcien qui fut précepteur et conseiller de néron avant d’être acculé au suicide, seuls les sages qui font appel à la raison pour organiser leur temps ne le gaspillent pas. pour éviter de se détourner du présent, il fustige la planification et la procrastination. il conseille de faire fructifier le passé en comptabilisant les heures perdues puis de choisir ceux avec qui on veut vivre. Etty Hillesum : s’émerveiller malgré les épreuves « On voudrait être un baume versé sur tant de plaies. » Cette phrase conclut les onze cahiers écrits par Etty Hillesum, 27 ans, de 1941 à 1943 juste avant sa mort à Auschwitz. Pendant deux ans, elle travaille comme assistante sociale à Westerbork, un camp de transit hollandais d’où partent les convois vers les camps de la mort. Elle ne se fait aucune illusion sur l’issue : « On veut notre extermination complète. […] Je n’imposerai pas aux autres mes angoisses et je me garderai de toute rancœur s’ils ne comprennent ce qui nous arrive à nous, les juifs. » Malgré l’enfer, elle garde foi en l’existence : «Il y a place pour de beaux rêves à côté de la plus cruelle réalité», écrit celle qui reste volontairement à Westerbork afin de ne pas quitter les siens et employer ses talents à soulager les autres. Son journal dialogue entre l’absurdité de l’époque et la conviction de l’indestructibilité de la vie. Elle n’en veut même pas à ses bourreaux : « Soyons bien convaincus que le moindre atome de haine que nous ajoutons à ce monde nous le rend plus inhospitalier qu’il ne l’est déjà. » A la barbarie des hommes, celle qui a trouvé Dieu oppose un immense éloge de la vie intérieure. Elle ne dit rien d’autre que de cultiver la compassion afin que notre forteresse personnelle devienne imprenable. Lorsqu’elle est transférée à Auschwitz, elle part en chantant. Ultime triomphe contre l’indicible. Confucius : prendre exemple sur autrui pour s’améliorer Tee-shirts, sacs, tasses à thé : en Chine, l’effigie de Confucius (551-479 av. J.-C.) couvre tous les supports imaginables. Qui était-il ? Ministre de la Justice devenu moine, il revient, après douze ans d’errance, enseigner à 3000 disciples, qui ont compilé ses prescriptions dans les Entretiens. «Si tu vois quelqu’un qui se conduit bien, imite-le, disait-il. Mais si tu vois quelqu’un qui se conduit mal, cherche en toi en quoi tu l’imites. » Plutôt que de s’ériger en juge, il incite à observer les erreurs d’autrui pour s’améliorer. « Il regrette que l’indignation porte sur les autres, pas sur nous-mêmes. Nous pouvons nous blâmer fortement pour de petits faux pas, mais nous montrer indulgents devant de grosses fautes », note Christian Godin. La morale qu’invoque Confucius ne fait jamais appel à une transcendance divine, elle laisse l’homme responsable de ses actes. Son enseignement vise à transformer tout individu en Junzi, un gentilhomme pétri de savoir et de tempérance. Matthieu Ricard : s’exercer à la bienveillance A 26 ans, sa thèse de génétique cellulaire en poche, Matthieu Ricard plaque tout et rejoint l’Himalaya pour s’initier au bouddhisme tibétain. Sept ans plus tard, en 1979, devenu moine, il est choisi comme interprète du dalaï-lama. « L’égoïsme nous rend et rend les autres autour de nous misérables, souligne-t-il. Notre bonheur est forcément une conséquence de la façon dont nous nous comportons avec les autres. Rendre les autres heureux autour de soi est la seule manière d’être heureux soi-même. » Selon lui, 70% de nos actes quotidiens sont emplis de bienveillance : aider quelqu’un d’âgé à porter ses courses, tenir la porte… « La banalité du bien est plus présente qu’on ne le croit. » Nous avons tous ce potentiel altruiste en nous. Mais comme le reste de nos activités (faire du sport, jouer aux échecs…), l’altruisme se cultive. Le sage conseille de penser à quelqu’un de cher puis d’étendre cette bienveillance à ceux que nous connaissons moins ou qui nous ont causé du tort. Par ailleurs, plusieurs études ont montré que méditer 20 min par jour suffit à modifier le cerveau : les zones liées à la bienveillance, au sentiment d’affiliation avec autrui et à l’amour maternel s’activent tandis que les aires de la peur et de la colère s’apaisent. Confucius le film Intouchables, une histoire d’amitié entre un tétraplégique et son auxiliaire de vie, a attiré près de 20 millions de spectateurs. Aristote distingue deux types d’amitiés : l’amitié imparfaite fondée sur le plaisir des bons moments passés ensemble et l’amitié parfaite qui unit des personnes se souhaitant du bien l’une à l’autre. Hannah Arendt : repenser l’éducation En 1954, dans la Crise de l’éducation, la philosophe Hannah Arendt se penche sur l’école. En cause? Le clivage entre l’idéal égalitaire de nos sociétés démocratiques et le besoin d’autorité lié à la transmission du savoir. « Pour elle, l’école est tiraillée entre l’envie de laisser l’élève libre et celui de lui apprendre, explique Christian Godin. Du coup, elle a inventé la pédagogie qui valorise plus une façon de faire cours que la discipline même. » Elle met aussi en garde contre la vision selon laquelle nos sociétés ayant déjà combattu tous les maux de l’humanité (guerres, racisme…), il serait inutile d’étudier le passé ou les langues anciennes. Un débat ô combien actuel. « C’est justement pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant que l’éducation doit être conservatrice », défend-elle. Aristote : nouer des amitiés parfaites Disciple de Platon, percepteur d’Alexandre le Grand, Aristote (384- 322) a élevé l’amitié au rang de valeur suprême. « Elle est ce qu’il y a de plus nécessaire pour vivre », écrit-il dans Ethique à Nicomaque. « L’amitié selon Aristote n’est pas une relation psychologique ou intime comme celle que nous connaissons aujourd’hui, mais un sentiment noble qui vise à introduire le bien dans la cité », commente Christian Godin, auteur de la Philosophie pour les nuls. L’amitié crée du lien entre les citoyens et permet même de se passer de la justice (puisque les gens se ressemblant se rapprochent et que tout s’arrange à l’amiable). En effet, hors de la cité (polis), de la communauté d’hommes, point de salut! C’est le sens de sa phrase célèbre : « l’homme est un animal politique ». Grâce à l’amitié, les hommes se façonnent les uns les autres, se corrigent mutuellement, encouragent les « nobles actions ». Un ami est un miroir dans lequel on peut se voir tel que l’on est, progresser et ainsi accéder au bonheur. Encore faut-il que l’amitié soit parfaite, c’est-à-dire qu’elle unisse des hommes de semblable vertu, éprouvant de la bienveillance l’un pour l’autre. A l’inverse, « les amitiés accidentelles », éphémères, ne se fondent que sur l’intérêt (par exemple pour les vieillards car ils ont besoin d’aide) ou le plaisir. L’amitié véritable, la philia, rare, durable ne peut se répandre indéfiniment : « ce n’est pas un ami celui qui est l’ami de tous », écrit-il. Gandhi : ne pas céder au désir de revanche Dès l’enfance, Gandhi est marqué par les vexations que les colons font subir aux Indiens. En 1891, lorsqu’il rentre d’Angleterre, diplôme d’avocat en poche, il trouve son pays affamé et décide de défendre les opprimés via un combat fondé sur la non-violence et la désobéissance civile. Par le jeûne ou les marches pacifiques, il s’agit de brandir « le courage tranquille et la dignité humaine face à l’arrogance raciste et à la force brutale. » Mais l’action du Mahatma ambitionne aussi de contrer nos plus bas instincts : « La non-violence a pour condition préalable le pouvoir de frapper. C’est un réfrènement conscient et délibéré du désir de vengeance. » Gandhi prône une morale qui vise l’ahimsâ — le refus de nuire. En cultivant la bienveillance envers tout ce qui vit, l’homme se libère spirituellement et peut s’émanciper politiquement. « Par la douceur, on peut ébranler le monde », assura-t-il au Premier ministre britannique le 15 août 1947, jour de l’indépendance de l’Inde. Albert Jacquard : vouloir l’utopie ll fut polytechnicien, ingénieur, philosophe, généticien… Albert Jacquard (1925-2013) (1925-2013) a consacré sa vie à vouloir rendre l’homme et le monde meilleurs. Son « utopie » repose sur la volonté de voir un jour les hommes et les femmes s’allier pour combattre la faim, la misère, les guerres… Pour lui, tous les maux découlent de l’esprit de compétition et de la volonté d’affrontement perpétuel qui doit systématiquement voir naître un gagnant ou un perdant. « Ce désir perpétuel d’être meilleur qu’autrui engendre une nouvelle espèce entre les humains et les monstres, explique-t-il. Dans le sport, elle donne naissance aux pots-de-vin; dans le domaine économique, aux escroqueries. » A l’inverse, il prône l’émulation « où chacun se compare aux autres mais est fier de trouver quelqu’un de meilleur que lui qui l’aide à progresser. » Claude Lévi-Strauss : s’enrichir des autres cultures Claude Lévi-Strauss (1908-2009) juif d’origine alsacienne, s’exile à New York pendant la Seconde Guerre mondiale. Très vite, son travail devient incontournable, puisqu’il étudie les sociétés, non plus au regard de leurs performances économiques, mais en fonction de leur organisation et de leur mode de pensée. Après de nombreux séjours au Brésil, il acquiert la certitude que les cultures ne sont pas vouées à progresser par étapes comme on le pensait jusqu’alors. « C’est une idée révolutionnaire, car elle signifie qu’il n’y a pas de cultures plus avancées que d’autres,précise Christian Godin. Il a inventé la notion de relativisme culturel qui va de pair avec sa volonté de ramener l’Occident au niveau commun. » Pessimiste sur la possibilité de préserver les « fleurs fragiles de la différence », il déclare en 1979 : « L’humanité s’installe dans la monoculture; elle s’apprête à produire la civilisation en masse, comme la betterave. » L’histoire lui donne raison : en un siècle, plus d’un tiers des cultures mondiales ont déjà disparu. Hans Jonas : prendre ses responsabilités L’humanité à venir peut-elle jouir des mêmes droits que nous? Voilà la grande question du philosophe allemand Hans Jonas (1903-1993) dans le Principe responsabilité. Pour lui, ce sont nos actes individuels (surconsommation, gaspillage) qui, additionnés, détruisent la nature. En 1979, il entrevoit deux dangers pour l’humanité : la menace nucléaire qui pèse sur son existence; celle des manipulations génétiques qui modifierait son essence et causerait des « crimes sans victimes ». « Il a été le premier à souligner la mutation sans précédent que vit notre planète, note Christian Godin. Longtemps, la nature a été vécue comme protectrice ou menaçante, mais devant son immuabilité, c’est la vie humaine qui semblait précaire. Aujourd’hui, la technologie a rendu la “nature altérable à volonté”. » Jonas en appelle à une prise de conscience collective et l’adoption d’une éthique individuelle : « Agis de telle sorte que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur Terre. » Sa pensée a inspiré le principe de précaution qui consiste à envisager le pire scénario avant d’employer une nouvelle technologie. Pierre Rabhi : adopter la sobriété heureuse Né en 1938 en algérie, Pierre Rabhi choisit en 1961 le retour à la terre afin de s’affranchir de la condition d’ouvrier spécialisé. depuis, ce pionnier de l’agroécologie incite à la sobriété heureuse. «Ce qui nous aliène, c’est cette volonté d’avoir toujours plus. Le mythe, c’est de penser que la joie et le bonheur s’achètent.» selon lui, il faut remettre l’humain et la nature au cœur des préoccupations et ne pas minimiser la puissance des petites résolutions : « privilégier les commerces locaux, cultiver son jardin sont des actes de résistance au système. » François d’Assise : préserver toute forme de vie En 1979, le pape Jean-Paul II nomme François d’Assise patron des écologistes. Toute sa vie, le saint (1181-1226) s’est efforcé de respecter les êtres vivants. Selon les témoignages de l’époque, il parlait aux oiseaux, qui lui obéissaient. Dans la Bible, on trouve deux récits de la Création: le premier, prométhéen, place l’homme comme tout-puissant, il domine la nature, note Christian Godin. Le second consiste à considérer que l’homme naît de la terre et il doit s’émerveiller devant celle qui le nourrit. François d’Assise fut le premier penseur catholique à faire surgir cette dimension. Par Christelle Pangrazzi
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