Histoire du changement d'heure
La mesure a été appliquée pour la toute première fois en 1916 en Allemagne et en Autriche-Hongrie. Objectif : conserver du charbon pour l'effort de guerre. La France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont imité cette invention avant de l'abandonner en temps de paix. En France, c'est en 1975 que le système a été adopté, par le gouvernement mené par Jacques Chirac, afin de réduire la consommation d'énergie pendant la crise pétrolière. Le premier passage a l'heure d'été de l'ère moderne a eu lieu le dimanche 28 mars 1976. Le changement d'heure fête donc ses 40 ans cette année. L'ensemble des pays européens ont fini par introduire la pratique au début des années 1980.
Benjamin Franklin avait des idées bien arrêtées sur le changement d'heure. 123RF
Mais jouer avec les aiguilles est une vieille lune ! Avec pour point de départ, une insomnie : celle de l'inventeur et homme politique américain Benjamin Franklin. En 1784, alors qu'il est ambassadeur des Etats-Unis en France, il est réveillé très tôt par un bruit dans la rue. Constatant à travers les rideaux qu'il fait grand jour, il envoie une lettre sarcastique au Journal de Paris. Dans le courrier, il se désole des heures de lumière matinale perdues et propose aux Parisiens de se lever plus tôt. Les gens iraient, de fait, se coucher de bonne heure, ce qui permettrait d'économiser des milliers de bougies et chandelles. Il propose même, à demi sérieux, de faire sonner les cloches des églises dès l'aube pour réveiller les dormeurs et, si cela ne suffit pas, de tirer des coups de canon pour les forcer à se lever...
Plus de cent ans plus tard, un entomologiste néo-zélandais se lasse de voir ses chasses aux insectes interrompues par la nuit. Georges Vernon Hudson retourne l'argumentation : et si on demandait aux horloges de changer, pas aux gens ? Il invente donc l'idée d'une heure d'été qui s'appliquerait à la belle saison australe. Il propose à la Royal Society of New Zealand de décaler les horloges de deux heures aux équinoxes afin de permettre à chacun de profiter au mieux : "du cricket, du jardinage, du cyclisme ou toute autre activité extérieure". Ses amis scientifiques sont très sceptiques, mais l'intense débat provoqué dans la presse par cette proposition est entendu à l'autre bout du monde...
En Grande-Bretagne, le patron d'une entreprise de travaux publics William Willett promeut l'idée à partir de 1907. Il propose que les horloges soient progressivement avancées au printemps par petits sauts de 20 minutes. C'est finalement pendant la Première guerre mondiale que ces argumentaires sont entendus. A l'époque, l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie cherchent à économiser un maximum de charbon. Pour limiter la consommation domestique, les autorités militaires décrètent dans les deux pays l'adoption de l'heure d'été. Au printemps 1916, les deux pays changent d'heure pour la première fois, bientôt suivis par le Royaume-Uni, la France et les Etats-Unis. Chacun de ces pays abandonne la mesure une fois la paix revenue.
En 1940, l'Allemagne nazie réintroduit l'heure d'été, toujours pour préserver ses réserves de charbon. Afin de favoriser la bonne circulation des trains entre les deux pays, l'occupant exige du régime de Vichy qu'il adapte les horloges françaises. Paris et le reste de l'Hexagone quittent le fuseau de Londres (Greenwich) pour rejoindre celui de Berlin et adopte en même temps l'heure d'été. Un état de fait qui inspirera le titre du roman "Mon village à l'heure allemande" de Jean-Louis Bory (qui remporte le Prix Goncourt). Pendant longtemps, l'idée de changement d'heure restera associée avec cette période sombre dans l'esprit des Français. Après la fin du conflit, l'Etat conserve l'heure de Berlin (C.E.T.), renonçant à retrouver le fuseau horaire de Londres. En revanche, l'heure d'été est abolie.
Fin 1973, le prix du pétrole quintuple en quelques semaines. La conjonction d'un ralentissement économique et de la Guerre du Kippour, qui oppose Israël à de nombreux pays arabes, alourdit la facture pour les pays occidentaux. En France, comme ailleurs en Europe, l'heure est aux économies d'énergie drastiques, résumées par l'astucieux slogan : "On n'a pas de pétrole, mais on a des idées". Les stations-service sont rationnées, les chaînes de télévision arrêtent leurs programmes dès 23 heures... En 1975, le gouvernement de Jacques Chirac propose alors la réintroduction du changement d'heure. Un décret publié au Journal officiel rend la transition obligatoire. Le premier changement d'heure de l'ère moderne a eu lieu le 28 mars 1976. Dans le journal télévisé de TF1, le journaliste vedette de l'époque Roger Gicquel déclare tout de go : "Je n'y comprend rien" (voir la vidéo sur le site de l'INA). Près de 40 ans plus tard, les Français demeurent aussi dubitatifs.
Pays concernés par le changement d'heure
De nombreux pays dans le monde n'appliquent pas le changement d'heure. Pour que le système ait un sens, il faut que des variations saisonnières de luminosité soient suffisamment importantes pour que changer d'heure soit pertinent. C'est par exemple le cas en France. A Paris, la durée entre le lever et le coucher du soleil passe ainsi de 16h10 au solstice d'été à 8h14 au solstice d'hiver. Si nous restions constamment à l'heure d'hiver, comme c'était le cas auparavant, le soleil se lèverait dès 4h47 du matin le 21 juin dans la capitale, et se coucherait dès 20h58. Pour les partisans du changement d'heure, les petites heures du jour (de 4 heures à 6 heures) seraient "perdues". A l'inverse, à Lagos (Nigeria), ville située légèrement au nord de l'équateur, la durée du jour n'évolue que de 45 minutes sur l'ensemble de l'année, rendant la mesure inopérante. C'est donc dans les régions tempérées du globe que la mesure est appliquée, avec quelques différences. En Amérique du nord par exemple, le passage à l'heure d'été s'effectue le deuxième dimanche de mars, le passage à l'heure d'hiver se fait lui le premier dimanche de novembre. Au delà, l'intérêt énergétique est considérablement amputé dans certains pays chauds et développés : en effet, une heure d'ensoleillement supplémentaire constitue une heure de plus où les climatiseurs fonctionnent à plein rendement. C'est cet argument qui a permis à l'Etat américain d'Arizona de ne plus appliquer de changement d'heure (alors que la quasi totalité des Etats-Unis s'y soumet).
Abandonner le changement d'heure, possible ?
Dans ce contexte, les Etats européens peuvent-ils toujours décider seuls de revenir sur l'alternance entre heure d'été et heure d'hiver ? L'ambiguïté domine. L'ACHED a formé un recours contre cette directive européenne auprès du tribunal de Luxembourg. Résultat : le tribunal a estimé que le choix de l'heure légale restait une option des pays membres. Mais des responsables politiques français estiment que c'est juridiquement et politiquement difficile pour l'instant.
D'autres pays dans le monde ont déjà fait marche arrière. La Russie a ainsi décidé d'abroger le changement d'heure en février 2011. Il avait été introduit en 1981, à l'époque soviétique. La même année, l'Egypte, l'Ukraine et la Biélorussie choisissaient aussi d'abandonner le changement d'heure. L'Arménie a fait de même en 2012, la Tunisie en 2009. En reculant dans le temps, on constate que le Japon a appliqué l'heure d'été entre 1949 et 1952 (l'archipel était alors contrôlé par l'armée américaine). Cette mesure, alors très impopulaire, a fait l'objet de nouveaux débats dans les années 1990.
( Source : Le Net )