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Trouvé sur Internet :
« Etude alimentaire, hospitalisation de dix jours et une visite de fin d’étude, rémunération : 1 700 euros net. »
1 700 euros pour… manger ? Je n’ai pas réfléchi deux fois pour envoyer ma candidature.
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La présélection
Pour postuler, il faut premièrement s’inscrire sur les listes d’attente et de préférence dès la parution de l’annonce car le nombre de volontaires est limité.
Le jour de la présélection, il faut venir à jeun. Test urinaire, prise de sang, tests de signes vitaux... De nombreuses questions d’un médecin vous seront aussi posées (antécédents médicaux, allergies, etc.).
Tandis que nous attendons notre tour pour les différents tests, la secrétaire nous donne plusieurs papiers à lire et à signer à propos des objectifs de l’essai clinique, le déroulement de celui-ci et les règles à respecter au sein de l’établissement.
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Les critères de sélection
Pour pouvoir être retenu(e) il faut être « clean », ne pas consommer de drogues « fortes », ne pas avoir bu d’alcool durant les 24 heures précédentes, ne pas être enceinte, ni mangé chocolat et agrumes qui pourraient altérer les résultats. Pas de prise de médicaments le mois précédent l’étude, ni d’anesthésie générale et ne surtout pas avoir donné son sang au cours des deux mois précédents.
Une fois les tests passés, le lendemain on nous appelle pour nous confirmer notre entrée (ou non) dans le centre et il est rappelé qu’il faut que l’on boive beaucoup d’eau et ne consomme rien de ce que j’ai énoncé ci-dessus avant l’hospitalisation.
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L’arrivée au centre d’étude
On m’attend pour 16 heures. Je sonne. La porte est sécurisée, une infirmière vient m’ouvrir et me conduit à ma chambre. Rien de bien différent d’un hôpital, de grands couloirs, des lits d’hosto... Par contre, les fenêtres sont elles aussi sécurisées et ne peuvent pas s’ouvrir à plus de 20 cm... Petite impression d’être en prison.
Je fais connaissance avec les cinq filles de ma chambrée.
« C’est ta première étude ? »
« Moi je suis déjà restée un mois ici, vous allez voir ça va passer vite. »
« Vous pensez que ce qu’on va manger aura quel goût ? »
L’infirmière nous interrompt et nous demande d’aller procéder au recueil urinaire. On nous accroche au poignet un bracelet avec notre nom d’étude par lequel nous seront désignées tout au long de celle-ci. (Il s’agit des trois premières lettres du nom de famille et des deux premières lettres du prénom.)
Le médecin passe nous voir et nous pose à nouveau les mêmes questions que lors de la présélection (antécédents médicaux, allergies, etc.). Il demande également si nous avons bien respecté les consignes à savoir ne pas avoir consommé alcool, drogues, chocolat et agrumes avant l’hospitalisation.
Un élément censé remplacer les graisses
Une fois les tests validés, nous devons attendre le repas. Chaque volontaire a un horaire précis. En ce qui me concerne, je dois manger le soir à 20h18 précises et prendre ce que nous devons tester à 20h38. Je n’ai pas le droit de donner des informations sur le produit testé, mais grossièrement il s’agit d’un élément censé remplacer les graisses à long terme, et nous devons le prendre trois fois par jour mélangé dans un dessert.
Nous sommes le troisième groupe d’étude, et nous testons la plus forte dose, le but étant de tester notre tolérance au produit.
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Les repas
J’adore manger et je ne suis pas une personne difficile, mais les repas sont horribles. Premièrement, tous les aliments que nous consommons sont pesés au préalable afin que nous ayons des repas équilibrés. Il n’y a pas beaucoup de quantité et encore moins de qualité.
la viande ? Une abomination, cuite à la vapeur (lorsqu’elle est cuite) sans saveur ;
les légumes pareils ! Rien pour les accompagner mis à part du sel et du poivre et ils sont rarement bien cuits ;
quant au dessert, cela n’en est pas vraiment un puisqu’il s’agit du produit que nous devons tester mélangé dans le dessert, ce qui fait qu’au niveau du goût, on est loin du dessert agréable et sucré (que j’attends généralement avec impatience) ;
heureusement qu’il y a, à chaque repas, une valeur sûre : un bout de pain.
Nous avons également l’obligation de boire 2 litres d’eau par jour afin d’évacuer au mieux ce que nous testons. Les consignes sont assez strictes et l’échange d’un morceau de viande ou autre pourrait nous faire expulser de l’étude. Quant aux petits malins qui tenteraient de manger tout autre chose non prévue dans l’étude (y compris un chewing-gum), le même sort peut leur être réservé.
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Comment nous occupons-nous ?
Dieu merci il y a le Wi-FI ici. Il y a également une salle de travail, et une salle commune avec des magazines, une télé écran plat, des jeux de société et un billard. Nous pouvons recevoir de la visite dans cette même pièce, entre 16 et 18 heures la semaine et de 14 à 18 heures le week-end. Nous sommes douze volontaires dans l’établissement, six hommes et six femmes.
Nos principales conversations tournent autour de la nourriture et de nos projets gastronomiques lorsque nous pourrons enfin sortir. Il est très frustrant de manger de la nourriture sèche et sans goût sur du si long terme même si c’est de notre plein gré. La nourriture est devenue une obsession.
Cela nous fait réfléchir à ceux qui n’ont rien, et on essaie d’imaginer ce que ça doit faire d’être en prison également. On en discute, on échange, chacun raconte ses anecdotes. C’est malheureusement souvent ainsi, on ne se rend compte des choses seulement lorsqu’on y est directement confrontés… Hors de ce bâtiment je n’aurais sans doute pas abordé les mêmes sujets avec ces inconnus. Seulement nous partageons ici les mêmes frustrations.
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Au terme des dix jours, le bilan
Le positif
Cela m’a permis de me reposer, de retrouver un rythme (repas équilibrés pris à heures fixes et nuits de huit heures) ;
j’ai également perdu 1 kilo (en même temps avec les horreurs que nous mangions il est étonnant que je n’aie pas perdu plus) ;
les contraintes de l’étude étaient minimes, seulement trois recueils urinaires et trois prises de sang en dix jours ;
j’ai fait de nouvelles connaissances et je pense garder contact avec l’une des femmes qui était dans ma chambre ;
et ne l’oublions pas, j’ai gagné 1 700 euros en dix jours « sans efforts ». Pour information, l’argent gagné pour les tests cliniques n’est pas imposable et 4 500 euros est la somme maximum autorisée par an.
Le négatif
L’avant dernier jour : grosse réaction allergique ou intoxication alimentaire (ou les deux ?), nous ne savons toujours pas. Brûlures à l’estomac, impossibilité d’avaler quoi que ce soit, crampes et apparition de boutons rouges sur les jambes (la totale !) ;
à ne surtout pas faire si l’on ne supporte pas d’être enfermée car il est impossible de sortir à l’extérieur tout au long de l’étude ;
je le répète, la nourriture est de très mauvaise qualité, et les mêmes repas reviennent plusieurs fois. C’est assez frustrant ;
passé une semaine, il était de plus en plus difficile d’avaler le produit testé. C’était un réel effort psychologique pour pouvoir l’avaler trois fois par jour après le repas ;
je n’ai jamais été aussi malade de ma vie que les trois derniers jours de l’étude… Réaction allergique ou intoxication alimentaire ? Je ne sais toujours pas, mais ce que je sais à présent c’est que je sous-estimais l’effet que de la « simple nourriture » pouvait faire sur le corps humain. Physiquement et psychologiquement, ces dix jours m’ont épuisée. Si j’avais su que je ressortirais ainsi, je n’aurais sans doute pas tenté l’expérience ! On comprend mieux maintenant pourquoi les études sont si bien payées… Attention à bien considérer les potentiels risques lorsque nous nous engageons dans une étude clinique.
Protégée et coupée du monde ces deux dernières semaines, je dois à présent affronter le monde, le vrai, et la liste interminable des choses que je dois faire.
MERCI RIVERAINS ! simla
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