Qui est Eugène Atget (1857-1927) ?
par Jean-Marie Baldner
Atget, une biographie impossible ?
On connaît très peu de choses de la vie d’Eugène Atget. Il est né à Libourne le 12 février 1857. Certaines sources laissent penser qu’il a été marin. En 1879, il entre au Conservatoire national de musique et de déclamation, tout en faisant parallèlement son service militaire. En 1882 il devient directeur d’un hebdomadaire humoristique Le Flâneur. Il joue dans diverses pièces de théâtre. Au bout de quelques années il abandonne le théâtre, mais continue à s’y intéresser, comme le montrent les photographies de sa bibliothèque et les conférences sur le théâtre qu’il donne jusqu’en 1913.
Quelques citations permettent d’approcher Eugène Atget, mais nous connaissons aussi un peu ses conditions de vie à travers plusieurs photographies dans lesquelles il montre son appartement sous des titres divers, le présentant alternativement comme l’intérieur d’un artiste dramatique, d’un ouvrier, d’un collectionneur.
Il débute la photographie en 1888 et, vers 1890, commence à réaliser en autodidacte des documents photographiques pour les artistes. Il photographie d’abord des paysages et des végétaux.
Dans une annonce en 1892, il décrit ainsi son travail : "Paysages, animaux, fleurs, monuments, documents, premiers plans pour artistes, reproductions de tableaux, déplacements. Collection n'étant pas dans le commerce."
Puis vers 1897-1898, à l’époque où est créée la Commission du Vieux Paris, il entreprend de photographier systématiquement les quartiers anciens de Paris appelés à disparaître ainsi que les petits métiers condamnés par l’essor des grands magasins. À partir de 1901 il réalise des gros plans d’éléments décoratifs (détails de fer forgés sur les façades, heurtoirs de portes, balustrades d’escaliers…). Il vend ses photographies à différentes institutions publiques comme le musée Carnavalet, la Bibliothèque historique de la ville de Paris, la Commission municipale du vieux Paris… Il photographie aussi les parcs et les monuments, les rues pittoresques de différents lieux de banlieue autour de Paris et de quelques villes françaises.
À partir de 1910, il regroupe les séries en sous-séries et en albums pour présenter ses photographies et, en 1920, dans une lettre à Paul Léon, estime que sa collection documentaire couvre tout le vieux Paris. À la fin de sa vie, il réalise des photographies de parcs et de vitrines avec des reflets qui le rendront célèbre auprès des surréalistes. Man Ray publie anonymement trois de ses photographies dans le numéro 7 de La Révolution surréaliste en 1926. À sa mort en 1927, Bérénice Abbott achète photographies, albums, répertoire et négatifs qu’elle prête pour des expositions et des livres. En 1968, elle vend sa collection au Museum of Modern Art de New York.
Eugène Atget conçoit sa collection en séries :
- Paysages et documents. La série est divisée en plusieurs sous-séries : Vues et plantes, Animaux, Animaux de ferme, Rouen, Documents.
- Vieille France. La série comporte des vues prises dans différentes villes de France.
- Costumes et Arts religieux. La série est constituée de reproduction de gravures, extraites notamment du fonds Gaignères.
- Paris pittoresque. La série réalisée à partir de 1898, est interrompue est reprise vers 1910.
- L’art dans le Vieux Paris. La série, commencée en 1898, et terminée en 1927, à la mort du photographe, comprend aussi bien des églises, des façades, des porches, des portes, des cours et des escaliers que des éléments décoratifs.
- Environs. La série est commencée en 1901. À partir de 1902 Atget suit les traces de Corot et photographie les lieux traversés par le peintre. À partir de 1922, il se concentre sur le nord et l’est de Paris.
- La Topographie du Vieux Paris. Dans cette série réalisée entre 1906 et 1915, Atget photographie les rues du vieux Paris systématiquement arrondissement par arrondissement.
- Intérieurs parisiens.
- Plusieurs séries traitent majoritairement des parcs et jardins : Les Tuileries, Sceaux, Saint-Cloud, Versailles, Les parcs parisiens.
À partir de ces séries, Atget confectionne des albums destinés à la vente. Ces albums sont constitués de feuilles de papier pliées puis brochées, comportant des fentes taillées en biais dans lesquelles Eugène Atget glisse des tirages de 22 x 18 cm.
La collection du département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France comprend "plus de 4 000 épreuves positives réparties en :
- 6 albums thématiques constitués et titrés par Atget lui-même (360 images) : Enseignes et vieilles boutiques (1899-1902), La voiture à Paris (1910), Intérieurs parisiens, début du XXe siècle, artistiques, pittoresques et bourgeois (1910), Les Zoniers (1913), Paris, Fortifications (1913), L'art dans le vieux Paris (n.d.).
- 3 albums thématiques constitués par le département des Estampes et de la Photographie (268 images) : Métiers, boutiques et étalages de Paris (1898-1911), Vie et petits métiers à Paris (1898-1900), Documents pour l'histoire du vieux Paris.
Les épreuves topographiques de Paris (et une partie de sa banlieue), classées globalement par arrondissement et par quartier (env. 3 20
épreuves)".