Principe
Chaque année, des millions de tonnes de broussailles, sous-produits des forêts... sont disponibles pour l'agriculture.
La facilité de leur récolte, leur aptitude à faire du compost, en font une matière première très bon marché, d'une richesse incomparable, convenant aux cultures les plus diverses.
Le débroussaillement méthodique de la forêt présente le très grand avantage dans les régions méditerranéennes, de faire pratiquement disparaître tout risque d'incendie.
Bien entendu, le débroussaillement doit être judicieux, c'est-à-dire maintenir des endroits très fournis, denses en frondaisons et en taillis, de manière à préserver nidifications, gîtes et refuges naturels pour les animaux sauvages.
Actuellement le débroussaillement coûte cher. Par la pratique du compostage des broussailles, on peut envisager de mettre les forêts du bassin méditerranéen à l'abri du feu, non seulement sans bourse délier, mais encore en bénéficiant d une excellente fumure organique.
L'emploi du compost de broussailles permet aussi, dans le cadre du reboisement une reprise et une croissance accélérée des plantations d arbres forestiers.
Un matériel semblable à celui conçu pour le broyage et le compostage des résidus urbains peut être utilisé.
Récolte des broussailles
L'essentiel est la variété, qui assure l'équilibre au sein du compost. Une restriction : le diamètre des plus grosses branches ne devra pas dépasser 8 mm dans le cas d'un compostage manuel. Ainsi le prélèvement chlorophyllien ne sera pas destructeur pour le végétal mais limité aux rameaux le plus facilement décomposables. Il s'agit de rendre moins broussailleux l'écran vert, non de le détruire. La protection du milieu est ainsi assurée.
Les broussailles sont entreposées sur une aire de compostage qui doit être aussi vaste que possible, une excellente situation étant la lisière d'une forêt
Imprégnation de la matière végétale
Si l'on dispose de très peu d'eau, il faut mettre à profit la pluie pour l'indispensable opération d'imprégnation de la matière végétale.
On procédera par brassages répétés suivis d'une mise en tas rapide. On pourra aussi étendre sur le sol des bâches à bords relevés pour recueillir l'eau de pluie. On procédera alors à l'arrosage du tas stocké, soit à l'arrosoir normal, soit par aspersions courtes et répétées.
Le procédé le meilleur est l'immersion en tonneau, bac, bassin ou tout autre récipient non métallique.
Au fur et à mesure que la broussaille est apportée sur l'aire de compostage, on la tassera dans le tonneau vide en la compressant très fortement par foulage. On la maintiendra compressée par une lourde pierre, puis on remplira d'eau à ras bord.
On laissera ainsi, une demi journée ou une nuit, la matière s'imprégner à coeur. Ensuite, à la fourche, on la sortira de son bain, et, bien égouttée, on la mettra en tas.
On recommencera l'opération autant de fois que nécessaire pour obtenir un volume de quatre mètres cube de broussailles humidifiées, bien tassées, en rajoutant l'équivalent de l'eau absorbée. C'est, en effet, le volume minimum qui permet une fermentation adéquate.
Il n'y a bien entendu aucun maximum, sinon les possibilités de l'exécutant. Cependant il est préférable de confectionner plusieurs tas successifs de 4 m3 plutôt qu'un seul beaucoup plus gros, pour des raisons de commodité.
Il faut trois jours de travail à un homme actif pour accumuler et imprégner ce volume de broussailles, qui donnera deux tonnes de compost prêt à l'emploi.
Ceci est le point de départ de transformations successives aboutissant à l'obtention, 111 jours plus tard, d'un compost de broussailles aux qualités optimales, à conditions toutefois que toutes les opérations suivantes soient réalisées avec précaution, délicatesse et précision.
Compostage
Trois semaines après le dernier jour de l'imprégnation, le tas s'est affaissé et amolli.
Il faut alors procéder au compostage. A l'aide de la fourche retournée (dents contre terre) on procédera à une sorte de cardage en frappant vigoureusement à coups répétés sur le bord : la matière sera ainsi effilée, mise en charpie, puis on la jettera sur le côté, ou derrière soi. Une heure et demie de labeur continu suffit pour carder l'ensemble du tas. On s’aperçoit alors que la matière a changé d'aspect : elle est devenue brunâtre, une odeur âcre s'en dégage. Une légère température indique un début de fermentation.
On procédera ensuite à la mise en tas qui est la plus précise des opérations de compostage. Les mesures suivantes seront scrupuleusement respectées : largeur à la base 2m20, hauteur au centre 1m60, forme triangulaire. Longueur déterminée par ia quantité de matière à composter. On entassera par fourchées très délices, sans tasser. Si l'on prend soin de jeter la matière toujours dans l'axe médian, on s'apercevra que le tas, en s'élevant, prend la forme souhaitée. Durée : une demi-heure.
Toujours sans tasser, on répandra à la pelle une couche de 2 cm d'épaisseur, faite de terre, de sable, de terreau ou' d'ancien compost. Un quart d'heure pour cette opération.
Nous voici au point terminal. De gros branchages placés en toit de hutte viendront assurer la protection de l'ensemble contre la pluie, la neige, le vent et le soleil. Durée pour cette dernière main, compte tenu du temps nécessaire à la quête des gros branchages en forêt: une heure. Dans les jours suivants, une vive fermentation se déclenchera, culminant parfois à 75°.
Compost de 90 jours
Au bout de trois mois on obtient le compost de 90 jours, prêt à l'utilisation en surface.
Il faut exposer le moins possible ce compost à la lumière du jour, et le couvrir avec des branchages ou des paillassons si l'on doit s'absenter ou suspendre le travail pendant plusieurs heures.
La matière organique nutritive constituée par le compost de broussailles de 90 jours n'est administrée qu'une fois par an en surface, en une épaisseur de 7 centimètres, au début de la culture d'été, celle d'hiver étant la première, en tête d'assolement.
Le compost de 90 jours ne doit donc pas être enfoui, parce qu'il est encore dans un état «grossier››, qui en ferait pour le sol un corps étranger plutôt qu'une nourriture. L'attaque bactérienne qu'il a subie le rend apte seulement à l'utilisation en surface.
En effet, une telle matière solliciterait du sol la majeure partie de son énergie aux fins de la “digérer”, de l’“absorber”, de la décomposer, au détriment des végétaux que l’on souhaiteraient voir croître et s’épanouir. Pire encore, la “digestion” du compost ne se faisant pas dans le sol de la même manière qu’en surface, on pourrait s’attendre à un état dépressif dudit sol l’année suivante et même, dans certains cas, deux ans plus tard, la matière ligneuse constituant le compost de broussailles réclamant ce laps de temps pour être suffisamment décomposé et devenir alors, mais alors seulement, enrichissante pour la terre.
Bien entendu on peut, au lieu de l'utiliser immédiatement conserver et laisser mûrir le compost de 90 jours.
Couverture
Le rôle de la couverture est d'empêcher l'évaporation de l'eau du sol et du compost et de provoquer, au moment le plus chaud de la journée, une condensation appréciable au niveau supérieur du compost, et sous elle une vie intense dans l'obscurité.
Il va de soi que feuilles, paille, foin ou herbes vertes non en graines, fougères, joncs ou herbes de marécages provoqueront le même phénomène. Mieux, alors que la couverture faite d'aiguilles de pins devra nécessairement être enlevée pour la culture d'hiver suivante, les couvertures obtenues par les végétaux précités pourront être incorporés au sol en fin de saison par un binage très léger. En ce qui concerne les aiguilles de pins, elles seront envoyées au compostage et ne seront en aucun cas incorporées au sol telles quelles.
Quel que soit le végétal choisi pour remplir la fonction de couverture aux fins de protéger terre et compost contre l'évaporation, il sera important de vérifier, à la mise en place, la parfaite uniformité de l'épaisseur, et de veiller à ce qu'aucun trou ou espace mal préservé ne subsiste, en particulier autour des pieds et tiges des jeunes plants.
En effet une couverture de protection mal ou imparfaitement appliquée, laissant par exemple les chemins et allées découverts dans la pensée qu'il suffit de ne recouvrir que les espaces cultivés proprement dits, permettrait à l'humidité du sol et du sous-sol de s'enfuir par les espaces laissés à découvert.
Applications
Voici un exemple d'utilisation du compost de 90 jours dans le Haut Var :
En novembre, dès les premiers gels importants, le sol est débarrassé de la culture précédente (pastèques). Les derniers fruits et fanes sont enlevés, un binage léger (5 cm) enterre ce qui subsiste du compost et de la couverture de la culture d'été.
- Immédiatement sont semées les laitues d'hiver.
- Au printemps, c'est une culture de petits pois nains qui succède aux laitues.
- Entre le 5 et le 10 mai, de jeunes plants d'aubergines sont repiqués.
- Fin mai : mise en place du compost de broussailles, que l’on recouvre d'aiguilles de pins pour le protéger de la lumière du jour.
- Automne et hiver: la surface est occupée par des carottes.
- Printemps : culture d'épinards, suivie d'une plantation de tomates.
- Généralement, le jardin voit trois cultures dans l'année, exception faite lorsqu'il s'agit de légumes dont la culture hivernale ou printanière nécessite l'occupation du terrain sur deux saisons.
- Les cultures sont protégées pendant l'été par des claies, l'arrosage n'est pas nécessaire. Par exemple, au coeur de l'été provençal, par 38° à l'ombre, des poireaux sont repiqués sans arrosage, mais après pralinage dans un mélange de 3 kg de compost de broussailles, 3 kg d'argile rouge et 3 litres d'eau. Les racines ont été coupées à 1cm, les feuilles à 10 cm. Après quoi la couverture est retirée, les poireaux rapidement plantés dans le sol, au travers du compost, et la couverture remise en place. Le ver du poireau ne se manifeste pas.
Transformation en terreau
Si l'on n'a pas immédiatement l'usage du compost de 90 jours, on recouvrira soigneusement le tas. Quelques mois plus tard on sera en présence d'un terreau permettant les semis fins, la culture horticole et florale d'espèces rares et délicates, à condition toutefois de retourner le tas un mois avant son utilisation et de le reconstruire aux mesures originelles.
Sources
Article de Jean Pain
extrait de Encyclopédie d'Agriculture Biologique,
publiée vers 1975 par les éditions Debard,
sous la direction d'Henri Messerchmit.