Lawrence d’Arabie . Mythe et réalités
Il existe des hommes dont le destin dépasse celui du simple mortel, un destin appartenant à un univers romanesque. Peu d’hommes deviennent des légendes. Lawrence d’Arabie est de ceux-là.
Le colonel Lawrence est l’une des grandes figures d’aventuriers du XXe siècle. Mais, c’est également un homme énigmatique. Qui était vraiment Lawrence d’Arabie ? Un simple agent secret ou un héros ?
Parcours de T. E. Lawrence
Thomas Edward Lawrence naît en 1888 à Tremadoc, au pays de Galles. C’est un enfant intrépide, courageux mais aussi parfois violent.
Plus que tout, il se sent blessé par sa naissance illégitime, qu’il a découverte à l’âge de 10 ans.
Son père, petit noble irlandais, s’était enfui avec la gouvernante de ses quatre premiers enfants. Thomas est donc un enfant adultérin qu’un lien très fort unira toujours à sa mère.
Selon certains, il aurait combattu son homosexualité en menant une vie chaste, faite d’exercice physique, de travail et de sévérité morale.
Ce serait donc là l’une des clefs de sa personnalité.
Lawrence d'Arabie
Ces composantes psychologiques nourriront son œuvre littéraire : les Sept Piliers de la sagesse et le roman autobiographique posthume la Matrice (1955).
Lawrence suit des études d’archéologie à Oxford et participe entre 1909 et 1914 à des campagnes de fouilles au Moyen-Orient.
Là, au contact des Bédouins, qui lui apprennent l’arabe et dont il adopte le costume, il conçoit le projet d’un grand empire arabe placé sous influence britannique.
Connaissant parfaitement le Moyen-Orient, il entre au service cartographique de l’armée anglaise d’Egypte en 1914.
Il ne peut être incorporé dans l’armée à cause de sa petite taille.
Les Turcs, qui contrôlent la Syrie, la Palestine et l’Arabie, sont alliés aux Allemands et menacent alors le canal de Suez.
Lawrence d’Arabie : le conquérant
Lawrence est choisi par les services secrets britanniques pour favoriser la révolte des Arabes contre l’Empire ottoman.
Grâce à son courage, à son héroïsme au combat et à ses talents de diplomate, il parvient à fédérer les tribus bédouines autour du chef de La Mecque, Hussein, et de son fils, l’émir Faysal.
Ensemble, ils mèneront contre les Turcs une guérilla incessante, faite d’opérations de harcèlement contre les trains militaires.
Lawrence et les Bédouins, incorporés dans l’armée du général Allenby, s’emparent d’Aqaba, au nord-est de la mer Rouge, en 1917.
Fait prisonnier par les Turcs, Lawrence se tait sous la torture et parvient à s’évader. Il conduira son armée jusqu’à Damas, qu’il prend en 1918.
Lawrence apporte son soutien à Hussein pour constituer un grand royaume regroupant toutes les régions arabes du Moyen-Orient. Mais, en 1920, le traité de Sèvres entre les Alliés et la Turquie est une immense déception pour lui.
Il se sent trahi par la Grande-Bretagne, qui, en vertu de l’accord Sykes-Picot, a abandonné la Syrie et le Liban à la France.
C’est cependant grâce à l’aide de Lawrence que, en 1921, l’émir Faysal devient roi d’Iraq, et son frère Abdullah, émir de Transjordanie.
Retour à l’anonymat
Lawrence revient en Angleterre en 1922, auréolé d’un immense prestige militaire. Cependant, il est amer et déçu.
Churchill lui propose une carrière diplomatique qu’il refuse. Il se fait alors enrôler comme simple soldat dans la Royal Air Force sous le nom de Ross.
En 1926, il publie les Sept Piliers de la sagesse. Le livre met en scène son personnage d’aventurier.
Ce livre est un témoignage sur la guerre et une fresque romanesque. C’est également l’autobiographie d’un homme qui ne croit plus en ses idéaux, déçu par la réalité politique.
Affiche du film, Lawrence d'Arabie, de David Lean, avec Peter O'Toole (1962)
Bien que très sollicité, notamment par l’écrivain et ami Henry Williamson, qui essaye de le convaincre de rencontrer Hitler, Lawrence semble détester cette auréole de héros qu’on lui impose.
La mort de Lawrence d’Arabie. Un décès controversé
Le colonel Lawrence quitte son régiment le 26 février 1935. Il doit alors affronter la vie de simple civil ce qui n’est pas facile pour un homme aux multiples exploits.
Retraité, il s’installe dans sa demeure de Clouds Hill. Encore jeune, il se sent dévalorisé par cette retraite anticipée.
Le 13 mai 1935, il quitte son domicile à moto pour poster des lettres. Au retour du village voisin, vers 11 h 20, il croise une fourgonnette noire et doit se rabattre brutalement. Il heurte alors la roue arrière de la bicyclette d’un jeune garçon. Ejecté, il est transporté à l’hôpital militaire de Bovington, où il meurt six jours plus tard à l’âge de 47 ans.
Les autorités britanniques cherchent à éviter toute publicité sur l’accident. Faute d’informations précises, les journaux colportent des rumeurs incroyables et non vérifiées.
Il est vrai aussi que l’enquête menée par l’armée présente des zones d’ombre. Par exemple, plusieurs témoins affirment avoir vu une voiture noire mais il n’en est pas fait mention dans le rapport.
Des hypothèses surgissent alors :
Lawrence a été chargé de mener une mission ultrasecrète au Moyen-Orient
Il a été assassiné par les services secrets d’une puissance étrangère
Il s’est suicidé par déprime
Le suicide aurait pu être envisageable mais dans ce cas précis, il se trouve que Lawrence se préparait à recevoir Williamson le lendemain. Il avait passé une partie de la matinée à préparer avec sa cuisinière les détails du déjeuner.
Lawrence a joué un rôle incontestable dans l’histoire des relations entre l’Occident et le Moyen-Orient.
Il a rêvé d’une grande nation arabe, mais ce rêve s’est heurté aux ambitions coloniales de la Grande-Bretagne et de la France qui se sont partagé le Moyen-Orient.
Il était devenu un mythe pour toute une nouvelle génération en mal d’aventures. Personne, pas plus les médias que le public, ne pouvait admettre qu’un tel homme puisse mourir dans un banal accident de la route.
Pourtant, c’est bien le cas. Il n’y a nul mystère autour de sa mort. Mais, Lawrence d’Arabie restera encore pour très longtemps une figure légendaire et un héros est forcement auréolé d’un certain mystère.
V.Battaglia