Un entretien dans Le Parisien
Me voici dans les pages du Parisien, à l’occasion d’un entretien à propos des voyants et de la police.

La journaliste m’a appelé hier, dans l’après-midi. L’entretien avait duré environ 40 minutes, en deux coups de fil successifs. Ca fait toujours un drôle d’effet de voir mes considérations, développées et précisées en détail pendant le temps de l’entretien, transformées en affirmations définitives, ou amputées d’une partie de leur logique.

Me voici donc dans le Parisien en train de clamer “Il faut accorder du crédit aux bons voyants” (ouf, ils n’ont tout de même pas mis un point d’exclamation). Voyons en détail un passage particulièrement révélateur de cet entretien. Il s’agit de trois petites phrases qu’on me fait dire, en fin de réaction, à une question sur les parents d’enfants disparus sollicités par tout plein de “voyants” plus ou moins allumés : “Les médias ont tendance à entretenir l’idée que le paranormal est une vaste fumisterie. Quand un médium est invité sur un plateau de télévision, c’est pour s’en moquer ou le critiquer. Aux Etats-Unis, certains voyants sont des stars.” Dit comme ça, évidemment, ça donne l’impression que le fait que des “psychics” américains soient des stars me suffit à les considérer comme de bons voyants, ou bien que ce serait tout à fait normal qu’on ait des voyants stars en France comme aux Etats-Unis. En fait, cette phrase “Aux Etats-Unis, certains voyants sont des stars” résume maladroitement ce que j’expliquais à propos des “psychics” américains, véritables stars de la télévision pour certains, au point de faire partie du folklore de ce pays et d’écrire des biographies bien souvent très romancées et outrancières. D’où des séries comme Médium, avec Patricia Arquette, adaptée (très très très librement !) de la vie d’Allison Dubois, une de ces “psychics” réputée des Etats-Unis. J’essayais en fait d’expliquer la différence culturelle entre la France et les Etats-Unis dans le tratiement de la figure du voyant/médium. Mais bien entendu, il était assez illusoire de ma part de penser que de telles considérations allaient trouver leur place dans ces pages.

La dernière question qu’on me pose, “certaines affaires ont connu un énorme retentissement aux Etats-Unis…”, est l’occasion pour moi de résumer deux affaires américaines. Mais leur source, que j’avais donnée bien sûr à la journaliste, n’a pas été mentionnée, ce qui est bien dommage parce que, comme je l’expliquai pendant l’entretien, c’est bien cette source qui donne tout son intérêt à ces deux anecdotes. Il s’agit donc de l’ouvrage The Blue Sense - Psychic Detectives and Crime, par Marcello Truzzi et Arthur Lyons, publié en 1991 chez Mysterious Press (et jamais traduit en français, comme c’est malheureusement généralement le cas avec les bons livres sur ce genre de sujets).

La première anecdote citée, un corps retrouvé grâce aux indications d’une voyante, faisait intervenir Greta Alexander, en 1983, à Alton dans l’Illinois. Selon ses indications, le cadavre mutilé de la disparue fut retrouvé, dans une certaine zone d’un sous-bois, dans des conditions remarquablement similaires à ce que la voyante avait prédit. Alexander avait notamment affirmé que la personne qui retrouverait le corps, parmi l’équipe qui serait dépêchée là-bas, aurait une main handicapée (il avait quelques doigts amputés), que la tête du cadavre serait séparée du corps, qu’il y aurait des troncs d’arbres coupés empilés près du corps, qu’une route se séparait en deux au même niveau, etc. La deuxième anecdote citée fut célèbre aux Etats-Unis, en 1980, sous la dénomination de “dream murder” : un jeune homme nommé Linscott, étudiant en religion, fait un horrible cauchemar, une nuit, dans lequel il assiste à la mise à mort d’une femme par un homme armé d’une batte de baseball, dans une petite impasse. Le pauvre étudiant est tellement choqué par son rêve qu’au petit matin, il contacte la police pour lui raconter la scène, persuadé qu’il vient de faire un rêve prémonitoire. Justement, ce matin-là, les enquêteurs venaient de retrouver le cadavre d’une femme, dans une impasse, tuée à coups de batte de baseball… Ni une ni deux, après une enquête bâclée, on arrête Linscott, et on l’accuse du crime. Il fera 7 années de prison, avant qu’une révision de son procès ne permette de découvrir que les enquêteurs avaient carrément fabriqué des preuves afin de consolider leur conviction.

Le dossier du Parisien se compose en tout de 5 articles, disponibles en ligne à l’heure actuelle :

- “Le drôle de médium de l’affaire Godard” (l’affaire de ce radiesthésiste qui avait cru découvrir les restes de la femme de Godard, ce médecin disparu en mer avec sa famille),

- “Je n’ai pas trouvé le bon cadavre” (le portrait d’un radiesthésiste qui a bien trouvé un cadavre grâce à son pendule… mais pas le bon !) ,

- “Céleste a vu Julien en rêve” (le portrait d’une médium qui se consacre à des enquêtes criminelles),

- “Des experts du paranormal sur toutes les grandes enquêtes” (quelques exemples de voyants et médiums qui ont prétendu aider à retrouver des disparus),

- et enfin, cet entretien avec moi, qui suis présenté comme “historien de la parapsychologie” : “Il faut accorder crédit aux bons voyants”.

Cet article est en ligne depuis le Vendredi 16 mars 2007 à 11h00, dans la catégorie Dans le bocal.
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