Hitler aurait eu un fils avec une Française ! Celui-ci a voulu faire reconnaître sa terrible ascendance. Avant d'y renoncer sur les conseils de son avocat et de ses enfants... Récit, photos et documents d'époque.
Maître, je suis le fils d'Hitler ! Dites-moi ce que je dois faire." François Gibault, avocat parisien, n'en croit pas ses oreilles. L'homme qu'il a devant lui est plutôt grand, parle un français parfait sans accent, et n'a rien d'un hurluberlu. Son histoire édifiante n'en est pas moins vraie.
Engagé en 1914 dans l'armée allemande, le caporal Adolf Hitlercombat contre les troupes françaises près de Seboncourt en Picardie. De temps à autre, les soldats sont envoyés à l'arrière pour récupérer, reprendre des forces et parfois... s'amuser. À Fournes-en-Weppe, petite ville située à l'ouest de Lille, Hitler fait la connaissance de Charlotte Lobjoie, une jeune femme d'à peine 16 ans.
"Un jour, je faisais les foins, avec d'autres femmes, lorsqu'on vit un soldat allemand, installé de l'autre côté de la rue, révèle celle-ci à son fils bien des années plus tard. Il avait une sorte de carton et semblait dessiner. Toutes les femmes trouvèrent intéressant ce soldat et se montrèrent curieuses de savoir ce qu'il dessinait. Je suis désignée pour essayer de l'approcher." L'inconnu se montre attentif, puis chaleureux, et même amical avec la jeune paysanne. Commence alors une relation qui durera plusieurs semaines.
"Lorsque ton père était là - très rarement -, il aimait m'emmener dans des promenades à la campagne. Mais ces promenades se terminaient en général plutôt mal. En effet, ton père, inspiré par la nature, entreprenait un discours auquel je ne comprenais pas grand-chose. Ne pouvant s'exprimer en français, il déclamait en allemand, s'adressant à un auditoire absent. Si je parlais l'allemand, je ne pouvais le suivre, d'autant plus que l'histoire de la Prusse, de l'Autriche ou de la Bavière ne m'était pas familière, loin de là. Ma réaction mettait ton père en colère en me voyant rester de marbre à ses effets oratoires !" Sous le petit caporal perçait déjà le tribun illuminé...
Un soir de juin 1917, revenant un peu éméché d'une soirée avec un ami, il se fait très entreprenant auprès de Charlotte. En mars de l'année suivante naît un fils. Aux yeux des enfants du village, le petit Jean-Marie est un "fils de Boche". Souvent, il fait le coup de poing avec ses camarades pour laver cette infamie. Les années passent, et Charlotte refuse de s'exprimer sur les mystérieuses circonstances de la naissance de son fils. Pire, miséreuse et vaguement honteuse, elle délaisse son fils et le confie à la garde d'un couple plus aisé chez qui l'une de ses soeurs est employée. Cette "nouvelle famille" finira par adopter l'enfant en 1934. Son "vrai père" de son côté ne le reconnaît pas, refuse de le voir, mais continue de loin en loin à prendre des nouvelles de sa mère. Chose extraordinaire, au début des années vingt, sa famille d'adoption se retrouve propriétaire d'un immeuble à Francfort qu'elle ne paye pas...
Quelques semaines avant de mourir, au début des années cinquante, Charlotte avoue à son fils la véritable identité de son père. Le choc est terrible. "Afin de ne pas tomber dans l'anxiété, je travaillais sans relâche, ne prenant jamais de vacances, jamais de distraction : 20 ans sans rentrer dans une salle de cinéma", raconta Jean-Marie Loret dans un livre (*) qu'il publia dans l'indifférence générale en 1981 aux éditions de l'Université et de l'Enseignement moderne.
Car au milieu des années soixante-dix, devenu adulte et père de famille, Loret souhaite faire officialiser sa triste ascendance. Il s'adjoint les services d'un historien, retourne sur les lieux de son enfance, interroge quelques rares témoins et diligente une série d'enquêtes : une expertise en méthode d'identification par la physionomie comparative, une autre de l'Institut d'anthropologie et de génétique de l'université de Heidelberg, qui montre notamment que père et fils ont le même groupe sanguin, une étude comparative psychographologique entre Adolf Hitler et Jean-Marie Loret ainsi qu'une comparaison graphologique des écritures des deux hommes. Toutes aboutissent à la même conclusion. Jean-Marie Loret est sans doute le fils d'Adolf Hitler. Des photos plaident également pour cette thèse, tant il y a un "air de famille" entre les deux hommes...
Cette thèse a toujours fait l'objet d'une grande dispute entre historiens. En Allemagne et au Japon elle semble désormais acquise, tandis qu'en France, elle n'a jamais été sérieusement discutée. Pourtant d'autres éléments troublants émergent : il est établi que, pendant l'Occupation, des officiers de la Wehrmacht apportaient des enveloppes d'argent liquide à Charlotte. À la mort de sa mère, Jean-Marie Loret découvrira dans le grenier de la maison des toiles signées "Adolf Hitler" tandis qu'en Allemagne on mettra la main sur un portrait qui ressemblait trait pour trait à celui de sa mère...
"Lorsqu'il vient me voir en 1979, se souvient maître Gibault, j'ai devant moi un homme un peu paumé qui ne sait pas s'il doit se faire reconnaître comme le fils d'Adolf Hitler ou s'il doit effacer tout cela d'un trait de plume. Il éprouve ce que ressentent beaucoup d'enfants naturels : l'envie de retrouver un passé aussi lourd soit-il, mais la peur de retourner de vieilles boues. J'ai énormément parlé avec lui, jouant plus le rôle d'un psychologue que d'un avocat. Certes, il pouvait revendiquer une part des droits d'auteur de Mein Kampf et, pourquoi pas, des comptes en banque que le Führer avait peut-être ouverts en Suisse, mais à 60 ans passés était-ce raisonnable ? Après avoir conversé avec moi et avec ses enfants, il a de lui-même décidé de ne pas révéler son sulfureux état civil." Quelques mois plus tard, Jean-Marie Loret publie un livre qui passera inaperçu. Dans la France d'alors, Maurice Papon est ministre du Budget (de 1978 à 1981) tandis que François Mitterrand élu en mai 1981 reçoit René Bousquet à sa table. Au Japon, la télévision publique recevra dans ses studios ce curieux personnage qu'elle présentera comme le fils du dictateur nazi.
Ironie du sort, Jean-Marie Loret s'enrôle dès 1939 dans les corps francs qui se battirent en avant de la ligne Maginot. L'année suivante, son unité mène une bataille violente contre les troupes allemandes dans les Ardennes en 1940. Pendant l'Occupation, il est même contacté par le réseau de la Résistance OCM (Organisation civile et militaire) au sein duquel il porta le nom de "Clément". Ignorant alors ses origines, il devient naturellement un résistant aux armées hitlériennes. Bon sang saurait mentir...