La période 1971-2000 est la plus chaude de ces quatorze derniers siècles
La Terre n'a jamais connu un tel réchauffement des températures moyennes depuis près de 1 400 ans. C'est la conclusion d'une vaste étude sur l'évolution du climat de la planète depuis deux millénaires, réalisée par un réseau international de climatologues et publiée dans la revue Nature Geoscience, dimanche 21 avril.
Sa particularité : une analyse continent par continent, afin de permettre aux scientifiques d'affiner leurs projections et ainsi de mieux "régionaliser" les impacts possibles du réchauffement. L'équipe de 80 scientifiques de 24 pays, réunis dans le réseau "Past Global Changes" (PAGES), a ainsi reconstitué les courbes de températures de sept grands ensembles : l'Arctique, l'Amérique du Nord et du Sud, l'Europe, l'Asie, l'Australie et l'Antarctique. Seule l'Afrique n'est pas représentée, faute de données suffisantes. Les chercheurs ont récupéré ces données de nombreuses façons, à travers l'analyse des cernes des arbres, des coraux, des pollens, des sédiments, des carottes de glace et des stalagmites dans les grottes.
"On connaissait mal les structures géographiques des changements de températures, comment les courants marins et les vents affectent le climat localement, ce que l'on appelle la variabilité interne au climat", explique la paléoclimatologue française Valérie Masson-Delmotte, chercheuse au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE).
HAUSSE DE 0,4 °C
Résultat : toutes les régions, sauf l'Antarctique, ont connu une tendance au refroidissement à long terme qui s'est brusquement renversée au cours du XXe siècle, avec des températures moyennes les plus élevées entre 1971 et 2000. La Terre a donc connu un rythme du refroidissement "lent mais global", allant de 0,1 à 0,3°C par millénaire qui s'explique par la "combinaison de facteurs naturels", tels que les variations de l'orbite terrestre, de l'activité volcanique et de l'activité solaire.
Puis la planète s'est brutalement réchauffée sous l'effet des émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines. "Hormis l'Antarctique, la température moyenne du XXe siècle dans les six autres régions était d'environ 0,4 °C plus élevée que les températures moyennes des cinq siècles précédents et 0,8 °C plus élevée qu'au cours du XIXe siècle", écrivent les auteurs. Ce réchauffement s'est poursuivi depuis, puisque huit des neuf années les plus chaudes enregistrées sur le globe depuis le début des relevés de température en 1880 se sont toutes produites depuis 2000.
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DISPARITÉS GÉOGRAPHIQUES
"Ce qui fait du réchauffement actuel quelque chose d'inhabituel dans l'histoire du climat, c'est qu'il est homogène, c'est-à-dire détecté sur tous les continents au même moment, analyse Valérie Masson-Delmotte. Au contraire, par le passé, le climat a connu de nombreuses anomalies, qui ne se sont pas produites au même moment dans toutes les régions du monde."
L'épisode froid du "petit âge glaciaire" est ainsi mondialement démontré, mais il a commencé plusieurs décennies plus tôt (vers 1500 après J.-C.) en Europe, en Asie et dans l'Arctique que dans les autres régions du globe. De même, la période inhabituellement chaude que l'on nomme l'optimum climatique médiéval s'est produite entre 830 et 1 100 dans l'hémisphère Nord, contre trois cents ans plus tard dans l'hémisphère Sud, entre 1160 et 1370.
Certaines régions ont aussi déjà connu des épisodes plus chauds que la période de 1971 à 2000 : en Europe, par exemple, les températures étaient plus élevées au Ier siècle (entre 21 et 80 après Jésus-Christ) qu'à la fin du XXe siècle, probablement en raison d'un changement d'angle de l'orbite du Soleil et d'une absence d'éruptions volcaniques (les cendres réfléchissant les rayons du soleil). "Mais ce réchauffement, contrairement à celui que nous connaissons actuellement, s'explique seulement par des facteurs naturels, précise Valérie Masson-Delmotte. Aujourd'hui, les activités humaines modifient aussi le bilan radiatif terrestre."
Audrey Garric