La croissance chinoise au deuxième trimestre est retombée à son plus bas niveau depuis trois ans à 7,6%. Simple effet conjoncturel ou début d'atterrissage ? Dans la lignée de Nouriel Roubini, qui prévoit un décrochage de l'empire du Milieu dès 2013, certains analystes s'interrogent. C'est le cas de Pierre Sabatier et Jean-Luc Buchalet, deux économistes français cofondateurs du cabinet Primeview, qui ont publié en mai dernier un livre sur le sujet : "La Chine, une bombe à retardement".
Depuis plus de vingt ans, la stratégie de la Chine était claire. Il s'agissait de "gagner des parts de marché vis-à-vis des concurrents occidentaux, grâce au maintien d'une monnaie sous-évaluée pendant extrêmement longtemps, ce qui leur a apporté une compétitivité coût incroyablement forte", analyse Pierre Sabatier.
Ce modèle low cost serait pourtant en train de se fissurer. Pendant longtemps, les pays développés se sont accommodés des délocalisations car ils étaient globalement gagnants : entreprises comme particuliers. Pour la population, cela permettait de réduire le prix des biens, et donc de limiter l'inflation. De leur côté, les entreprises augmentaient leurs marges et pouvaient espérer opérer sur de nouveaux marchés.
Spirale inflationniste
La donne a changé. L'inflation des salaires commence de plus en plus à peser sur le modèle économique du pays. D'après les analystes de Primeview, en 2011, le coût de la main d'œuvre chinoise représentait ainsi 65% de celui des travailleurs américains, à productivité comparable. En outre, le vivier de main d'œuvre provenant des zones rurales serait en train de se tarir, ce qui tirerait les salaires vers le haut. Enfin, la politique de l'enfant unique va provoquer un vieillissement accélérée de la population dans les années à venir.
Résultat : les prix des biens produits en Chine vont structurellement progresser. "Maintenant, on se trouve à importer le régime d'inflation qui existe en Chine", s'alarme Pierre Sabatier. Or, la hausse des prix est de 5 à 6% par an officiellement. Comme la plupart des entreprises qui pouvaient s'installer en Chine ou dans les autres pays émergents sont déjà parties, les coûts de production ne vont plus beaucoup baisser et les ménages occidentaux vont connaître une baisse de leur pouvoir d'achat. Les entreprises américaines et européennes, elles, sont en plus confrontées à un cadre réglementaire chinois de plus en plus défavorable.
La stratégie de croissance à marche forcée de la Chine a également eu de nombreuses conséquences néfastes à l'intérieur des frontières : démographie vieillissante, infrastructures inutilisées, terres agricoles surexploitées, usines en surcapacité, système financier à la dérive et immobilier en surchauffe… Tous les ingrédients semblent réunis pour que la deuxième puissance économique mondiale connaisse un net ralentissement dans les années à venir, selon les deux auteurs.
La Chine va donc devoir se réinventer. Conscientes du problème, les autorités veulent développer la recherche pour monter en gamme et pousser la consommation intérieure. Une équation compliquée alors que les marges de manœuvre pour une relance sont beaucoup plus réduites qu'il n'y paraît. En prenant en compte les dettes des collectivités locales, l'endettement public est déjà de l'ordre de 70% en Chine. Autre difficulté : le pays ne peut pas piocher dans ses énormes réserves de changes (plus de 3.000 milliards de dollars), sans faire remonter la valeur de sa monnaie et donc réduire son avantage compétitif.
N'est-il pas déjà trop tard pour la Chine ? La réponse en images de Pierre Sabatier :