Des cellules réanimées 17 jours après un décès!
Une équipe française ouvre la porte au prélèvement post mortem de cellules de muscle et de moelle osseuse.
Et si les cadavres constituaient un réservoir de cellules souches utilisables pour les vivants? Au premier abord, cela ressemble au scénario d'un film de Frankenstein. Sauf qu'il s'agit là d'un travail scientifique qui ouvre des perspectives thérapeutiques tout à fait réelles. Une équipe de scientifiques français, dirigée par les professeurs Fabrice Chrétien et Shahragim Tajbakhsh, de l'Institut Pasteur, vient de montrer qu'il est encore possible de récupérer des cellules viables dans les muscles de cadavres humains, dix-sept jours après la mort.
Il s'agit de cellules souches, celles qui donnent naissance à des cellules matures et qui font aujourd'hui l'objet d'intenses recherches tant dans les myopathies que dans la maladie d'Alzheimer ou l'insuffisance cardiaque. Dans cette expérience surprenante, publiée dans la revue en ligne Nature Communications ce 12 juin, les chercheurs sont même parvenus, en faisant une manipulation identique chez la souris, à greffer ensuite ces cellules «survivantes» pour redonner naissance à des cellules musculaires en parfait état de marche.
«Sommeil profond»
«L'idée de ces expériences m'est venue en observant au microscope des cellules musculaires prélevées lors d'une autopsie, explique le neuropathologiste Fabrice Chrétien, également professeur à l'université Versailles Saint-Quentin. Alors que toutes les cellules environnantes étaient complètement détruites, les cellules souches conservaient un bel aspect.» Comment ces dernières parvenaient-elles à survivre dans un environnement, ô combien hostile, sans oxygène, bombardées de signaux de mort cellulaire et noyées dans un bain acide? Tout simplement en cessant de respirer et en se mettant en «sommeil» profond. «Pour rester en vie, elles se débarrassent des organites qui leur servent à respirer, les mitochondries, explique le Pr Chrétien. Du coup, elles épuisent leur stock énergétique et se mettent en hibernation.» Comme un plongeur qui abandonnerait ses bouteilles devenues inutiles, faute d'oxygène, et retiendrait sa respiration le plus longtemps possible.
Pour le Pr Jean-Marc Lemaitre, de l'Institut de génomique fonctionnelle, à Montpellier, «cette notion de quiescence profonde, ou dormance accrue des cellules souches, qui leur permet de résister et augmente leur viabilité, est intéressante». D'autant que si la viabilité n'est pas démontrée au-delà de dix-sept jours après la mort, c'est uniquement parce que les chercheurs n'ont pas pu obtenir de cadavres plus vieux!
Seul petit bémol, le travail montre une augmentation d'espèces moléculaires, baptisées ROS, qui ne sont pas trop appréciées des cellules et du génome, met en garde le Pr Lemaitre: «Même si la survie globale augmente grâce aux conditions de culture développées, il ne faudrait pas que ces cellules aient certains endommagements irréversibles non détectés, sur l'ADN par exemple.»
Si ce risque est écarté, d'autres champs thérapeutiques pourraient être concernés à l'avenir. Les chercheurs ont déjà réalisé avec succès la même manipulation sur des cellules souches de moelle osseuse de souris mortes depuis quatre jours.
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