Le postulat de "La Chèvre" est génial, c'est au départ une histoire dramatique, les ressorts de la comédie empruntant ceux du drame, et seul l'angle de vue change. Un PDG de société dont la fille a disparu au Mexique a engagé un détective privé revenu bredouille. Le psychologue de l'entreprise a une idée : comme la fille du PDG est affectée d'une incroyable malchance, il proposer au PDG d'envoyer à sa recherche un employé comptable, François Perrin, qui a lui aussi un parcours étonnamment malchanceux. L'équipe est formée, Perrin et Campana iront ensemble au Mexique enquêter sur la disparition de la fille du PDG. Mais pour décider le sensible Perrin à partir, on lui ment en lui faisant croire qu'il sera le chef de mission avec le détective Campana pour assistant, gros costaud macho, peu aimable. Tous les éléments de tension, d'incompréhension, d'exaspération, voire de sympathie, entre les deux personnages sont en place.
Ces deux-là vont devoir se supporter en serrant les dents. Et pour dérider Campana, il faudra toute l'innocence et la bonne volonté d'un Perrin que l'avalanche de catastrophes qu'il provoque, dont il est lui-même victime, ne pertube pas ou si peu, habitué qu'il est à encaisser. Le comique de situation est en quelque sorte inversé, c'est Perrin qui prend une porte dans le nez mais c'est Campana qui est sidéré, au point que ce dernier va devenir anxieux comme si c'était contagieux, il a cassé son lacet, il n'a pas d'eau dans sa salle de bains, soudain, Campana perd pied, rechigne à prendre un avion avec Perrin, c'est l'inversion des rôles... C'est ce que Veber appelle un "contre-champ" de comédie, je ne sais pas très bien ce que ça veut dire mais je pense qu'il s'agit du miroir qui renvoie le comique de situation, cet air incrédule de Depardieu quand il voit ce qu'il voit, à la fin, par exemple, quand les deux réunis rêvent sur un radeau cassé en train de dériver.