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A la cantine, on ne dispose pas de si jolies carafes en verre, mais de bros en métal. Du moins, moi j'appelle ça un bro, mais le dictionnaire n'a pas l'air de reconnaître ce mot. Nos bros ne sont pas très beaux, mais ils ont l'avantage d'être parfaitement cylindrique. Excepté peut-être le fond qui n'est pas tout à fait plat.
A la cantine, on ne dispose pas de si jolies carafes en verre, mais de bros que l'on va remplir nous-mêmes à la fontaine. Il ne s'agit pas là de la jolie fontaine est pierre d'où jaillit l'onde pure et que l'on trouve généralement dans un beau jardin à l'herbe bien verte, mais d'une fontaine en métal, qui a la forme d'un parallélépipède rectangle — aussi connu sous le nom de pavé droit. Cette fontaine possède deux ouvertures indépendantes, les robinets, d'où tombe l'eau. Notre fontaine n'est pas très belle, mais elle a l'avantage d'avoir un débit constant et régulier. Excepté peut-être lorsqu'on ouvre les deux robinets en même temps.
Il y a un certain temps de cela, une semaine ou deux avant les vacances de Noël, alors que j'attendais patiemment que mon bro, posé sur la surface plane prévue à cet effet, sous le robinet droit de la fontaine, à la cantine, je me suis demandé comment évoluait le niveau de l'eau en fonction du temps.
— C'est évident ! me répondrez-vous. Le débit de l'eau est constant, donc le niveau de l'eau dans la carafe est proportionnel au temps.
Je ne suis pas d'accord. Bien sûr, si je l'étais, je ne vous parlerais pas de nos bros en ferraille et de nos fontaines carrés.
L'opinion commune veut que le niveau de l'eau soit proportionnel au temps, c'est à dire que si t est le temps exprimé en secondes, la fonction f : t ↦ a * t, où a est un coefficient quelconque, donne la hauteur de l'eau, en mm par exemple. Pour faire simple, si on attend deux fois plus longtemps, on obtient deux fois plus d'eau. La vitesse est constante : si on attend une seconde, quelque soit le moment où l'on regarde cette seconde, le niveau d'eau aura augmenté de la même hauteur.
Moi, je dis que la vitesse n'est pas constante, je dis qu'elle augmente.
— Mais puisque le débit est constant ? Comment la vitesse de la montée peut-elle augmenter ?
Un individu lambda, interrogé au hasard à un coin de rue, voudra que l'on modélise ma fontaine par une source d'eau et un récipient, rien d'autre. Là, il serait évident que la vitesse de la montée de l'eau doit être constante. Seulement, on oublie un détail crucial : la distance de la source à la surface de l'eau. En effet, tant que la carafe n'a pas débordé, le robinet est hors de l'eau, et l'eau doit donc parcourir une certaine distance, du robinet à la surface, pour arrivé dans la carafe dont elle fera augmenté le niveau d'eau.
On peut donc modéliser la fontaine par une source pour le robinet, un récipient final pour la carafe et un récipient intermédiaire pour le volume d'eau situé entre le robinet et la surface de l'eau. Dans un tel modèle, l'eau passe d'abord de la source au récipient intermédiaire puis, lorsque celui-ci est plein, au récipient final.
La hauteur de la surface, dans la carafe, augmente. Je pense que tout le monde est d'accord sur ce point. Mais alors, la distance du robinet à la surface diminue ? Dans mon modèle, cela signifie que le volume du récipient intermédiaire diminue. Alors l'eau y reste moins longtemps, et donc arrive plus rapidement au récipient final, la carafe. La vitesse de la montée de la surface de l'eau dans la carafe a augmenté.
Convaincu ? Si non, relisez le paragraphe précédent autant de fois que nécessaire, ou abandonnez la lecture. Si oui, on peut passer à l'exercice suivant.
Il est désormais acquis que la vitesse de la montée de la surface de l'eau dans la carafe — pour simplifier, appelons-la VITESSE, est croissante, c'est-à-dire que l'accélération de la montée de la surface de l'eau dans la carafe — appelons-là ACCELERATION, n'est pas nulle, mais positive.
Gardons le modèle précédent, constitué de la source, du récipient intermédiaire et du récipient final. Comme HAUTEUR augmente, le volume du récipient intermédiaire diminue. Alors VITESSE augmente, c'est le résultat obtenu au paragraphe précédent.
Mais de la même façon, on peut s'intéresser à VITESSE. En effet, si VITESSE augmente, c'est-à-dire si HAUTEUR augmente de plus en plus vite, alors le volume du récipient intermédiaire diminue lui aussi de plus en plus vite ! Donc la durée nécessaire au passage de la source au récipient final diminue de plus en plus vite, ce qui signifie que VITESSE augmente de plus en plus vite. Autrement dit, ACCELERATION augmente.
J'espère que cette brève démonstration a suffit à vous convaincre. La prochaine étape sera de justifier tout ça par des calculs.